J°007 Dérèglements géopolitiques et dérive des continents

Quand la plaque tectonique Chine s’encastre entre Afrique et péninsule européenne, par Jean-Marie ROUSSEAU (Géographe et économiste, consultant international en géostratégie et intelligence territoriale.) [Bruxelles, 5 novembre 2018]

Présentation générale

On pourrait se demander pourquoi ICEO, dont la vocation statutaire est l’intérêt que porte notre institut à l’Europe orientale et centrale, a choisi de présenter, avec l’accord de son auteur ici à nouveau remercié, un article qui traite principalement de la Chine et de son intervention en Afrique. Ce faisant, ne sortons-nous pas de notre « champ de vision et d’action » préférentiel et statutaire ?

Nous ne le pensons pas et pour plusieurs raisons :

  • La première est que nous souhaitons toujours avoir une approche géostratégique des événements politiques qui touchent le monde pour en avoir une compréhension plus globale, qui non seulement analyse les faits immédiats mais aussi les place dans un contexte temporel et spatial plus large, aidant à mieux les appréhender, mieux les comprendre et les interpréter.
  •  
  • La deuxième raison est que la politique engagée depuis longtemps par la Chine en Afrique découle d’une stratégie de puissance globale qui vient impacter par effet de contournement l’Europe elle-même et les relations qu’ont la France pour sa part et l’Union européenne de l’autre (à la fois complémentaires et concurrentes) avec ce continent, en supplément par ailleurs des propres interventions des Etats-Unis d’Amérique ; on y voit que, plus ou moins rapidement, la place relative des relations traditionnelles entre l’Europe et l’Afrique diminue par rapport à celle que prennent ces autres partenaires ; et cela résultera-t-il en un bien pour l’Afrique, son indépendance et son développement, ou pas, ou jusqu’à quel point ?
  •  
  • La troisième raison est que cette stratégie chinoise qui passe par l’Afrique n’est pas sans impacter indirectement l’Europe orientale et centrale où ses « nouvelles routes de la soie» un terme bien poétique pour des réalités plus brutales, trouvent aussi des points d’ancrage, en terminaux portuaires et aéroportuaires, en installations industrielles et d’infrastructures dont ces pays en difficulté économique et sociale ont besoin pour rattraper leur retard d’équipement sur l’Europe occidentale. La Chine propose des financements, des prêts apparemment avantageux en échanges de contreparties dont il faut pouvoir anticiper les aboutissants. En outre dans les Balkans, elle se trouve en compétition avec la Turquie où le « nouveau sultan Erdogan » rêve de retrouver la place qu’y avait l’ancien empire ottoman, ce qui complique le jeu de partenariats que l’Union européenne a du mal à maîtriser.

Sur tous ces sujets – et nous publierons une autre étude complémentaire de celle-ci, également avec son aimable autorisation – le grand spécialiste de ces questions qu’est M. Jean-Marie ROUSSEAU nous donne un éclairage argumenté, appuyé sur des sources solides et des références chiffrées, qui mérite notre attention et doit susciter une réflexion de fond sur ce que pourrait être notre avenir d’Européens et notre place dans le monde qui vient, avec cette nouvelle tectonique des plaques. (JMR)

oo0oo

Jean-Marie ROUSSEAU est référent du Partenariat Eurafricain pour la relation Afrique/Chine, membre du comité de pilotage du Partenariat Eurafricain et membre du comité d’animation du CAS. Il est membre du Conseil scientifique du CIFE[1]. Géographe et économiste de formation, il a capitalisé sur plus de dix ans de nombreuses expériences en macro- et méso-économie dans treize pays d’Afrique, dont le Rwanda (1988-1991) au nom du CCI/ITC et le Bénin (1991-1994) pour le compte du PNUD, il a contribué au sein de la Commission européenne, de 2000 à 2003 au lancement des Programmes Régionaux d’Actions Innovatrices de la DG Politique régionale, puis de 2003 à 2006 à la DG Recherche au lancement et à l’animation des Regions of Knowledge pour l’ensemble des régions européennes. Depuis 2007, il poursuit avec TAO-ITINeRIS (Initiatives in Territorial Intelligence & Regional Innovation Strategies) des activités de conseil au service de réseaux d’acteurs opérationnels et de décideurs politiques en Afrique, en Europe, dans le pourtour méditerranéen, en Amérique du Sud et surtout en Chine.

[1]  Le Centre international de formation européenne est une association internationale privée qui englobe plusieurs programmes d’études européennes. Fondé en 1954, il est l’une des six institutions désignées bénéficiant d’un financement spécial de l’Union européenne dans le cadre du programme Jean MONNET.

Pour le 7e forum sur la coopération sino-africaine, la Chine n’a pas lésiné sur les moyens.

La Chine n’a pas lésiné sur les moyens pour recevoir, les 3 et 4 septembre 2018, les 53 chefs d’États et de gouvernement africains sur les 54 que compte le continent. La réception a commencé par ces enfants agitant deux drapeaux, celui de la Chine couplé à celui d’un pays d’Afrique. Une mise en scène à la hauteur des enjeux, colossaux.

[Le 27 mai 2020, 21 H00, D. F.,  Toulouse] : Merci pour cet article riche et documenté.