N° 140 L’échec scolaire est-il lié à la génétique ?

Pour Laurent ALEXANDRE, convié au Sénat pour une table ronde sur le développement de l’intelligence artificielle en France,  la génétique explique en grande partie « l’échec naturel de l’école ».

 L’acquis contre l’inné : vaste débat

Le chirurgien Laurent ALEXANDRE était convié au Sénat pour une table ronde sur le développement de l’intelligence artificielle en France. L’exposition d’une théorie scientifique controversée, faisant le lien entre le patrimoine génétique et résultats scolaires, a jeté le trouble parmi les sénateurs.

Jusqu’où les nouvelles technologiques, et en particulier l’intelligence artificielle, pèseront-elles sur les métiers de demain ? Et surtout, comment adapter les formations et l’Éducation nationale devant ces bouleversements à venir ? La délégation sénatoriale aux entreprises s’est saisie de la question, en organisant le 28 novembre 2019 une table ronde autour de différents acteurs. Parmi les profils retenus : le très médiatique chirurgien Laurent ALEXANDRE, spécialiste de l’intelligence artificielle. Il n’a pas fait que déplorer l’insuffisance des budgets engagés, il a aussi tiré à boulets rouges sur l’école.

Le discours du scientifique, aux positions controversées, n’a pas failli à sa réputation de franc-parler. « Ce n’est pas politiquement correct et il n’est peut-être pas raisonnable de dire ça au Sénat », a-t-il prévenu d’emblée. « PLOMIN en Angleterre a montré que 64 % des différences de maîtrise de la lecture sont d’origine génétique et ne sont pas d’origine culturelles et environnementales comme on le pensait jusqu’à maintenant » Laurent ALEXANDRE fait ici référence à une étude publiée en 2015 dans la revue Nature qui explique qu’environ 60 % des différences de résultats au bac britannique peuvent s’expliquer par des facteurs génétiques. Autrement dit, l’environnemental familial et culturel ne sont pas les premiers facteurs.

Les travaux de Robert PLOMIN, généticien du King’s College de Londres, et la théorie de l’héritabilité de l’intelligence, font débat au sein de la communauté scientifique. Une tribune, publiée en 2018 dans Le Monde (Jacques TESTART, le père du bébé-éprouvette faisait partie des signataires), et intitulée « halte aux fake news génétiques », s’était élevée contre les « usages trompeurs » de statistiques, allant même jusqu’à parler de « raccourcis ».

Partant du constat de l’étude de Robert PLOMIN, Laurent ALEXANDRE s’est engagé sur des perspectives très négatives dans le rattrapage français dans la course à l’innovation numérique. « Nous n’allons pas avoir de miracle pour compenser l’échec naturel de l’école et qui n’est pas de la faute de l’école ». Pour lui, aucune technologie « significative » n’est à notre disposition pour réduire les « inégalités intellectuelles ». « C’est un vrai problème dans une économie de la connaissance ».

Dénonçant la « pensée magique sur l’école » et appelant à « sortir des mensonges politiques en matière d’éducation », le chirurgien s’en est ensuite pris à ces « concepts tous plus foireux les uns que les autres ». « Tous codeurs, en imaginant qu’on allait permettre à tous les enfants d’appendre le Python [un langage de programmation, NDLR] alors qu’il y a un enfant sur quatre ou sur cinq qui capable de faire du codage informatique. Le slogan Tous codeurs est aussi débile que tous astrophysiciens ou tous pilotes d’Airbus ou tous chirurgiens. C’est totalement irréaliste ».

Ces sombres perspectives et ce discours ont laissé quelques sénateurs et sénatrices sceptiques, voire pantois. « J’aurais aimé penser – mais je suis peut-être dans l’erreur, hein – que le fait de solliciter le cerveau humain dans l’apprentissage à apprendre, donc au niveau de l’éducation, pouvait le faire évoluer dans le bon sens », a réagi la sénatrice LR Catherine FOURNIER.

Le sénateur du groupe RDSE (à majorité radicale), Guillaume ARNELL, s’est lui aussi montré gêné par le tableau dépeint par le scientifique. La réaction la plus virulente est venue du sénateur (communiste) Fabien GAY, pour qui le chiffre mis en avant par Laurent ALEXANDRE est « extrêmement dangereux ». « Ça peut poser problème. Ce discours-là peut nous mettre face à une situation politique difficile. Je ne dis pas que nous sommes tous égaux […] mais vous vous arrêtez à la question génétique, mais vous ne dites pas qu’il y a aussi des aspects sociaux et culturels. Ça peut être laissé à interprétation. »

Laurent ALEXANDRE affirme avoir été « mal compris ». « La grandeur de l’humanité, c’est de casser les déterminismes génétiques et pas de les nier », martèle-il, appelant à investir « massivement » sur la recherche en pédagogie, comme la science l’a fait pour la recherche contre le cancer.

Plus tôt, il s’était également attaqué à la mesure phare du quinquennat en matière d’éducation : le dédoublement des classes de primaire dans les réseaux prioritaires d’éducation. « On a caché l’échec des dédoublements des classes de CP. Ça n’a fait progresser les enfants que de 0,07 et 0,13 écarts-types. Ce n’est quasiment rien, malgré une dépense considérable. »

Des critiques que n’a pas laissées passer Charles TOROSSIAN, directeur de l’Institut des hautes études de l’éducation et de la formation, présent dans la salle. « Nous avons réduit de 8% les élèves les plus en difficulté, de 12% en maths. Ce n’est pas encore spectaculaire, mais laissez le temps aux mesures de s’installer », a répliqué ce représentant du ministère de l’Éducation nationale.

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Deux enseignantes, ayant l’expérience de nombreuses années d’enseignement, dans des milieux culturellement défavorisés, contestent les affirmations de Laurent ALEXANDRE

Laurent ALEXANDRE a déclaré devant le Sénat : « PLOMIN en Angleterre a montré que 64 % des différences de maîtrise de la lecture sont d’origine génétique, et ne sont pas d’origine culturelle et environnementales comme on le pensait jusqu’à maintenant ».

Certaines expériences conduites dans des écoles d’application situées en zone d’éducation prioritaire ont prouvé que quel que soit le milieu social de l’enfant, l’apprentissage de la lecture pouvait se faire, si l’équipe pédagogique mettait en place certaines structures.

Dans le cadre du cycle II, un enseignant conduisait les élèves, sans redoublement, jusqu’au CE1.

Pour cela, une pédagogie du contrat était mise en place en partenariat avec les familles et les enfants, stipulant la conception du travail de classe, l’aide à apporter par l’environnement et les exigences nécessaires pour soutenir les enfants.

Sur le plan pédagogique : sont formés des groupes de besoin évoluant en fonction des apprentissages (4 à 5 enfants) ; et des supports de lecture, différenciés, variés et culturels étaient proposés en fonction de leur intérêt et des acquisitions à faire. Le déchiffrage se mettait au service de la compréhension.

Une évaluation était mise en place périodiquement, permettant de réajuster, les projets et les contrats aux besoins de l’enfant.

Les enfants progressaient à leur rythme, sachant qu’il n’y aurait pas de redoublement en fin de CP.

Ainsi, toute une classe d’âge maitrisait l’apprentissage de la lecture en 3 ans.

Ces enfants étaient d’origine modeste, d’immigration récente, et de milieux sociaux culturels défavorisés.

À cette époque là, de nombreux groupements pédagogiques travaillaient sur l’apport théorique en pédagogie, initié par les chercheurs.

Entre 5 et 7 ans l’enfant se construit. Peut-on parler de facteur génétique irrémédiable si l’enfant n’a pas de handicap mental notoire ?

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Pour un fœtus de trois mois, tout est-il joué avant sa naissance en matière de « réussite scolaire » ? Vaste question qui agite le monde enseignant depuis qu’il existe.

Le débat de l’inné et de l’acquis est aussi ancien que l‘école et l’enseignement.

La question de l’inné et de l’acquis trouve la plus célèbre illustration historique dans le cas de Victor, l’enfant sauvage de l’Aveyron.

L’inné : Il est tout à fait évident que les enfants naissent tous avec des capacités intellectuelles, des capacités de travail et de concentration différentes, liées en partie (grande ou petite ?) à leur patrimoine génétique hérité. Le rôle de l’inné ne fait aucun doute. De plus en plus d’ailleurs, les recherches s’orientent vers des pistes biologiques et physiologiques pour améliorer notre compréhension de certaines différences, tant physiques (ce qui va généralement de soi) qu’intellectuelles (ce qui reste tabou pour certains).

Des études gémellaires (sur des jumeaux) mettent en évidence des probabilités accrues de développer certaines pathologies identiques chez des jumeaux qui ont pourtant été accidentellement séparés à la naissance.

L’acquis a pourtant clairement son mot à dire et ne peut en aucun cas être sous-estimé ! Il est tout aussi évident, par exemple, que la culture d’origine, le contexte historique, l’origine sociale dans une culture donnée, vont modeler les capacités intellectuelles, les comportements, les personnalités des individus, leur façon de parler, de réagir à certaines situations.

Ensuite, l’acquis est bien évidemment familial: la façon dont les parents auront éduqués leurs enfants, les valeurs enseignées, les réactions observées et apprises, les atmosphères, les ambiances vont particulièrement peser sur le rapport des individus au monde.

Comme toujours, tout est à nuancer et il faut se méfier du simplisme ! Certains, nés dans un milieu très défavorisé, s’en sortiront très bien avec leurs talents propres (innés ou acquis ?) D’autres, ayant tout pour réussir, resteront toute leur vie à la traine, dans tout ce qu’ils feront.

Ainsi, l’éducation a-t-elle pour principal objectif de développer et promouvoir ce que l’enfant a en lui dès sa naissance, mais qui n’est jamais ni gagné ni perdu d’avance.

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Tous les enfants peuvent apprendre à marcher et à courir, s’ils n’ont pas de grave handicap physique. Tous les enfants peuvent apprendre à écrire, lire et compter, s’ils n’ont pas de grave handicap mental. Mais …

Tous les enfants de France aimeraient jouer au football comme MBAPPÉ. Tous les entraineurs aimeraient que tous les enfants dont ils s’occupent arrivent à jouer aussi bien que ce prodige. Pourtant ils savent que malgré tous leurs efforts, ils n’arriveront jamais à faire de tous leurs joueurs moyens des grands joueurs, pas plus qu’ils n’arriveront à faire de tous leurs grands joueurs des joueurs d’exceptions.

La génétique cela vaut pour les chevaux de course, et pour les hommes aussi !  

Croire, et faire croire, qu’avec de bons maîtres tous les enfants peuvent espérer aller à l’université, est aussi criminel que de laisser penser à des gamins, qu’avec de bons entraineurs ils pourront tous intégrer le  Centre national de football de Clairefontaine.

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[Le 18 février 2020, 14 H00, J-M. P., Pignan] :  Jean CASTEL [1935-2013], premier président d’ICEO [1989-1993], professeur de Pharmacie Chimique à la Faculté de Pharmacie de Montpellier, fils de Pierre CASTEL [1898-1977], qui avait été lui-même professeur de Pharmacie Chimique dans la même faculté, aimait à rappeler de façon sentencieuse et provocatrice, que la Faculté de Médecine de Montpellier avait apporté, au cours des siècles, la preuve tangible que l’intelligence est héréditaire.

À tous ceux qui ne croyaient pas à l’importance de la génétique, à tous ceux qui semblaient douter de la valeur de cette affirmation, Jean CASTEL commençait alors à réciter la liste de noms des plus célèbres dynasties de professeurs de la Faculté de Médecine de Montpellier : BALMÈS, BARJON, CHAPTAL, GUERRIER, HÉDON, JOYEUX, LAMARQUE, MARCHAL, PONSEILLÉ, PUJOL, VIDAL, etc, etc.

[Le 14 février 2020, 17 H25, G. C., La Roche-sur-Yon] : Tout étudiant en médecine, dès lors qu’il aborde la pédiatrie, sait reconnaître ce qu’on appelle les « réflexes archaïques » témoignant chez le tout petit d’un développement harmonieux. C’est, par exemple, le réflexe de Moro (en redressant vivement la tête d’un nouveau-né, on observe de sa part une manœuvre d’embrassement puisqu’il écarte d’abord les bras en ouvrant les mains avant de les fléchir sur ses avant-bras, le tout se terminant par un cri), la marche automatique (en plaçant un nouveau-né verticalement et en lui faisant toucher un plan dur avec ses pieds, on le voit « emjamber » l’obstacle et débuter quelques mouvements de marche) ou le « grasping » qui voit le bébé agripper fortement (au point qu’on peut le soulever) la main de l’examinateur qui a stimulé sa surface palmaire. Il en existe bien d’autres (réflexe de succion automatique, de nage, etc.) …