N° 355 Avant l’élection présidentielle, un tableau du paysage politique et social actuel.

Cela fait vingt ans que les classes moyennes et populaires ne se réfèrent plus au clivage gauche-droite, notamment les classes populaires allant de la gauche vers l’extrême droite ou se dirigeant vers l’abstention.

Après près de 40 ans d’instrumentalisation et de dévoiement de l’antiracisme en France, depuis la racialisation progressive des discours politiques, l’accusation de racisme ne suffit plus pour provoquer l’épouvante et le rejet des électeurs.

Depuis qu’ils annoncent l’arrivée du fascisme, depuis qu’ils crient au loup, les experts commençaient à s’impatienter, et les électeurs un peu aussi. Preuve en est l’augmentation continue des taux d’abstention aux élections et des votes dits « populistes ».

L’entrée aujourd’hui dans l’arène politique du « polémiste » Éric ZEMMOUR fait l’affaire de tous les spécialistes en extrême droitisation du pays car elle leur redonne une forme de légitimité.

Contrariant les déclarations de Lionel JOSPIN en 2007 et contrairement à ce qu’affirme Christophe GUILLUY dans l’entretien qu’il a accordé le 21 novembre au Figaro, sur son site Arrêt sur images, Daniel SCHNEIDERMANN continue à croire à une menace fasciste ou «fascistoïde» : accélération de l’ultra-droite : du théâtre?

Face à la « montée » du fascisme, Lionel JOSPIN, hier, et Christophe GUILLUY, aujourd’hui, sont-ils naïfs et aveugles, ou Daniel SCHEIDERMANN veut-il absolument voir des fascistes partout?

Sur le site Wikipedia, on peut lire qu’en 1975, à l’âge de 17 ans, Daniel SCHNEIDERMANN fut pendant quelques mois militant à l’Union des étudiants communistes, à la section du lycée Henri-IV, à Paris. C’est sans doute en souvenir de son bref passage à l’UEC que l’ancien grand reporter au journal Le Monde, a gardé l’habitude et la facilité bolchevique de qualifier de fascistes les contre-révolutionnaires, ou les supposés tels.

Il est cocasse de voir d’anciens communistes, d’anciens maoïstes, qui n’ont fait preuve d’aucune lucidité politique, se prétendre aujourd’hui les plus clairvoyants et les plus sourcilleux défenseurs des libertés publiques et des droits de l’homme.

Il est surtout surprenant que d’anciens marxistes veuillent réduire l’explication de la montée de l’extrême droite dans les intentions de vote à une bollo-zemmourisation des esprits, une sorte de perte du sens moral, comme si les causes matérielles et culturelles de cette inclination n’existaient pas.

Les responsables politiques qui se désespèrent de voir les classes populaires voter de moins en moins et de plus en plus mal, et ceux qui,  pire encore les considèrent comme irrécupérables, en arrivent à la même conviction : les Français de peu, sont devenus moralement mauvais.

Au XIXe siècle, pour expliquer l’accroissement de la prostitution chez les femmes, on accusait le diable d’avoir envahi leurs corps, au XXIe siècle, pour expliquer le comportement électoral des couches populaires, on accuse le diable d’avoir envahi leur esprits.

On prête au Général de GAULLE cette déclaration lapidaire : « Je n’aime pas les communistes parce qu’ils sont communistes, et je n’aime pas les socialistes parce qu’ils ne sont pas socialistes ».

Et si par son vote, l’électeur populiste, accusé d’être pré-fasciste, faisait tout simplement savoir  : Je ne vote pas pour la gauche parce qu’elle m’a trahi (plus de gauche), je ne vote pas pour la droite parce qu’elle m’a menti (pas de droite) ?

Noter que ces pourcentages de votes au premier tour sont calculés par rapport aux :

nombres d’électeurs inscrits.

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À la lumière de l’avalanche de sondages déjà réalisés avant les prochaines élections présidentielles, les journalistes observateurs de la politique française s’inquiètent du fait que les électeurs français envisagent de voter très majoritairement à droite. Ils donnent, par leurs commentaires sur la droitisation du pays, l’impression que cela constitue pour eux une nouveauté.

Ils est fort regrettable que les « spécialistes » connaissent si mal l’histoire électorale de la France.

Il suffit de dresser le tableau récapitulatif des résultats du premier tour des élections présidentielles depuis 1974 pour constater que la somme des votes pour la droite de gouvernement (droite G) et pour la droite extrême (droite E) = (droite G+E) est toujours restée supérieure à la somme des votes pour la gauche de gouvernement (gauche G) et pour la gauche extrême (gauche E) = (gauche G+E).

On note que même en 1981 la droite était devant la gauche au premier tour. On sait aujourd’hui que François MITTERRAND n’a pu être majoritaire au deuxième tour qu’en raison des divisions de la droite. Jacques CHIRAC et tous ceux qui ne supportaient plus la morgue de Valéry GISCARD d’ESTAING ont été plus nombreux à trahir leur camp, que les communistes à trahir « le leur ».  

Après l’effacement de la scène politique du Parti communiste français (PCF), principal pourvoyeur du vote ouvrier et des classes populaires jusqu’à la fin des années 1970, les responsables de Gauche savent qu’ils ne peuvent accéder au pouvoir que lorsque la Droite est divisée, très divisée.

C’est en 2007, que l’[écart D-G] a été le plus élevé [21,28], ainsi que l’[écart d-g] égal à [17,43]. C’est en portant un discours de droite dure que Nicolas SARKOZY a réussi à établir ce record, qui lui a permis d’être le président de droite le mieux élu au second tour [53%]r face à une candidate de gauche.

D’où l’importance pour la gauche et le centre de veiller à ce que la droite ne porte pas un discours « décomplexé », discours qui est celui qui avait assuré à Nicolas SARKOZY sa large victoire.

Si la droite se « droitise », ce n’est pas seulement à cause de la bollo-zémmouristion des esprits dont la gauche l’accuse, c’est aussi, et probablement surtout parce que les candidats de droite on refait « leurs » calculs « eux-mêmes ».

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« Pendant toutes les années du mitterrandisme nous n’avons jamais été face à une menace fasciste et donc, tout antifascisme n’était que du théâtre. Nous avons été face à un parti, le Front national, qui était un parti d’extrême droite, un parti populiste aussi à sa façon, mais nous n’avons jamais été dans une situation de menace fasciste et même pas face à un parti fasciste. »

France culture, Lionel JOSPIN, le 29 septembre 2007.

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ENTRETIEN – À quelques mois de l’élection présidentielle, le géographe, révélé par Fractures françaises, dresse un tableau du paysage politique et social actuel.

Pour le géographe, le grand clivage de notre époque demeure l’opposition entre la France périphérique, qui rassemble les perdants économiques et culturels du modèle globalisé, et la France des grandes métropoles, composée parles gagnants de la mondialisation. Emmanuel MACRON reste le champion incontesté de ces derniers, tandis que Marine LE PEN et Éric ZEMMOUR se disputent les classes moyennes et populaires. À eux deux, ils représentent un bloc électoral d’au moins 35 %, note GUILLUY. S’il constate que celui-ci peine à trouver un débouché, le géographe note cependant sa solidité et sa détermination. Continuer à ignorer ses aspirations ne peut que conduire à une impasse politique.

 

À LIRE AUSSI Christophe GUILLUY: «Les gens ordinaires font désormais pression sur la France d’en haut»

 

LE FIGARO. – À quelques mois de l’élection présidentielle, comment appréhendez-vous la situation politique actuelle?

Christophe GUILLUY. – Au fond, il ne s’est pas passé grand-chose depuis 2017. Nous avions fait une interview sur le duel MACRONLE PEN où je disais que c’était un clivage chimiquement pur: classes populaires contre CSP+, métropole contre France périphérique. Tout cela n’a absolument pas changé. Le noyau de l’électorat de MACRON est toujours constitué des bourgeoisies de droite et de gauche, des boomers, des retraités, des gens intégrés. Et pour cause, c’est le seul candidat qui défend le modèle économique et culturel de ces vingt dernières années. Par conséquent, l’électorat qui va le suivre est celui qui est intégré à ce modèle, en bénéficie ou en est protégé, comme les retraités par exemple. Partant de là, il bénéficie d’un socle hypersolide, avec ces 25 % qui ne bougent pas depuis son élection. En face, il y a les désaffiliés, ceux qui ne sont plus intégrés économiquement, ce qu’on appelait hier la classe moyenne.

 

Ces derniers sont, selon vous, en révolte contre le modèle existant. Pourquoi?

La division internationale du travail est le point de départ d’une crise culturelle, sociale, économique et géographique. Le travail est parti en Chine, en Inde et partout dans le monde.

Mais cette question de délocalisation n’est pas seulement économique. Ce que les tenants de l’économisme n’ont toujours pas compris, c’est que les classes populaires et moyennes, non seulement étaient le ressort du modèle économique (ils portaient le modèle économique et social, ils finançaient l’État-providence par leur travail), mais ils portaient également un mode de vie majoritaire qui était la référence culturelle pour la classe politique, le monde culturel et les nouveaux arrivants.

La question de l’intégration et de l’assimilation n’est pas une question abstraite à laquelle il suffirait de répondre par: «réaffirmons les valeurs républicaines».

Si c’était le cas, on n’aurait pas exactement la même question posée en Suède, en Grande-Bretagne, aux États-Unis ou aux Pays-Bas. Tous ces pays ont des modèles et des valeurs complètement différents qui aboutissent exactement au même résultat: crise identitaire, culturelle, qui balaye tout l’Occident. Cette crise est donc liée à un phénomène économique et culturel qui est la fin de la classe moyenne occidentale.

 

Cette classe moyenne est-elle en train de disparaître?

Les gens ne disparaissent pas, ils sont encore là mais ne représentent plus un modèle attractif (non seulement pour l’intelligentsia, mais aussi pour les nouveaux arrivants). On peut discutailler du sexe des anges à l’infini sur ces questions d’intégration. Tant qu’on n’aura pas intégré et réintégré économiquement la majorité, il est vain d’aborder ces sujets.

Quand on débarque d’un pays étranger, quelle que soit sa culture, on observe son voisin et on est prêt à s’assimiler seulement si son mode de vie paraît attrayant. Si l’autochtone a un travail et qu’il est respecté culturellement – deux conditions qui ont explosé dans les années 1980 -, alors il serait naturel que le nouvel arrivant se conforme à ce mode de vie.

Malheureusement, les classes moyennes et populaires ne sont plus intégrées économiquement et géographiquement ni respectés par le monde politique et le monde culturel. L’essentiel des précepteurs d’opinion considère ces catégories comme des losers, des «déplorables». Quand on débarque de l’autre bout du monde, et qu’on nous dit que notre voisin est raciste, à moitié débile, à fond dans la consommation, son objectif de vie étant de bouffer et de regarder la télé, on ne va pas épouser ses valeurs.

Le chantier pour les trente ans à venir est de savoir comment réintégrer la majorité de la population. Ils n’ont plus leur place dans le modèle économique qui compte symboliquement, celui des grandes métropoles, de la globalisation économique. Si le projet politique, économique et culturel de demain n’est pas la réintégration de ces populations encore majoritaires, alors il est inutile de parler d’intégration, d’assimilation ou que sais-je encore. C’est un sujet perdu d’avance si l’on ne s’intéresse pas à ce qu’est intrinsèquement une société.

 

Y a-t-il une volonté politique de réintégrer ces catégories?

L’impasse politique du moment c’est qu’on a un monde politique et médiatique qui ne veut pas lâcher le modèle des grandes métropoles et de la globalisation économique. Ils nous expliquent depuis le Covid qu’il est possible de concevoir qu’ils soient allés trop loin sur le libre-échange. La main sur le cœur, ils ont honte de détruire la planète. Je dis toujours que la première mesure écologique est d’arrêter de faire venir des produits de Chine en cargo. Or les écolos ne sont pas en faveur de la fin du libre-échange.

Le gros problème, c’est que les constats sont faits, les diagnostics sont posés, mais nous sommes dans un moment religieux où il est impossible d’abandonner le dogme du libre-échange. Cela crée des politiques à la petite semaine, c’est-à-dire un peu de péréquations, des politiques très catégorielles, morcelées. Cette représentation morcelée de la société empêche de mener des réflexions sur le devenir de la population majoritaire.

 

Mais la France n’est-elle pas réellement de plus en plus morcelée?

Pour les tenants du modèle actuel, l’un des éléments les plus importants est de déconstruire l’idée même d’une majorité, car cela leur permet de s’extraire des conditions de la démocratie. Il n’y a plus besoin d’être en démocratie s’il n’existe que des minorités. Les élites entreprennent ainsi une gestion des représentations. C’est ce que j’appelle la «netflixisation».

Netflix crée des séries en s’attachant à des panels. Il s’agit de créer une narration qui va satisfaire une catégorie spécifique. Toute la classe politique est là-dedans, alimentée par Netflix et Hollywood. Nous sommes aujourd’hui dans la lutte entre un monde fictionnel et une réalité existentielle. C’est pourquoi, quand on décrit la France comme un pays anomique, dispersé, en perte de valeur, cela me crispe. Il suffit de discuter avec des gens pour voir que ce qu’ils veulent est très précis. Ils sont majoritairement attachés à leur territoire, hyperattachés au fait que l’État-providence est lié au travail. Ils veulent juste préserver leur mode de vie. Les gens n’ont pas bougé d’un iota.

Quand on s’étonne du potentiel électoral des populistes, pour ma part, je suis avant tout surpris qu’on s’en étonne. Il y a une permanence, une rationalité, une solidité qui dit tout le contraire d’une représentation d’une France anomique, atomisée, etc. Ces gens n’ont pas encore trouvé un débouché politique. Mais ils ont tout à fait conscience de la fragilité de leur existence. Les trois insécurités: physique, sociale, culturelle, ils les vivent. Il y a une mécanique que j’appelle le soft power des classes populaires.

La question de l’immigration, par exemple, pourquoi ressurgit-elle? Ces questions-là sont présentes au plus profond des classes populaires quelles que soient leurs origines. La question de la régulation des flux migratoires travaille tout autant les Français d’origine maghrébine ou africaine que ce qu’on appelle de manière condescendante les «petits Blancs».

Les «gilets jaunes» ont ainsi souvent été qualifiés de «petits Blancs». On oublie un peu rapidement qu’ils étaient par exemple très mobilisés dans les DOM-TOM. C’est se tromper sur le fond du mouvement que d’en faire un mouvement ethnique. C’était un mouvement très puissant composé de gens d’origines diverses mais qui ont intégré le mouvement sans leur étendard identitaire. Je ne dis pas cela pour faire l’éloge hypocrite de la diversité à la manière des publicitaires qui nous gouvernent. Je dis cela car, quand on a des classes populaires en mouvement, respectables, puissantes, fortes, elles redeviennent attractives, y compris pour des personnes de toutes origines. Quand tu es respecté culturellement, tu crées les conditions de l’assimilation des autres.

 

Sur le plan politique, ce que vous appelez la «majorité ordinaire» apparaît cependant divisé. La percée d’Éric ZEMMOUR ne vient-elle pas contredire l’idée d’un affrontement entre France périphérique et France des métropoles?

Tous ces débats de salon, conjoncturels, ne touchent pas ou peu la société. La mécanique des gens ordinaires, ce que j’appelle le temps des gens ordinaires, est plus importante, elle s’inscrit dans le temps long et produit des effets sociaux et politiques. Qui a cassé le clivage gauche-droite? On dit que c’est MACRON grâce à son intelligence hors du commun.

C’est faux, cela fait vingt ans que les classes moyennes et populaires ne se réfèrent plus au clivage gauche-droite, notamment les classes populaires allant de la gauche vers l’extrême droite ou se dirigeant vers l’abstention. C’est le mouvement de cette majorité ordinaire qui tue la gauche, renforce l’abstention ou les partis populistes. Si on regarde les choses froidement et qu’on revient au résultat de Marine LE PEN en 2017, on note que, par rapport à son père, elle est passée de 18 % à 35 %.

Ce chiffre constitue le principal socle du bloc populiste. ZEMMOUR connaissant parfaitement les rouages politiques, il parvient à capter une grosse partie de cet électorat, mais cet ensemble reste identique et représente globalement 35 % du corps électoral. Je crois à la permanence de cette géographie électorale qui aujourd’hui se structure globalement autour de la dichotomie grandes métropoles-France périphérique. Les gens à l’écart du modèle économique néolibéral se retrouvent dans cette contestation populiste, et ZEMMOUR, avec un discours plus droitier et intellectuel capte la fraction la mieux intégrée de cet électorat et une part marginale de la bourgeoisie qu’il appelle «bourgeoisie patriote».

Sur le fond, la question matérielle reste déterminante. Si une partie de la bourgeoisie de droite ou de gauche peut faire le constat des échecs de la mondialisation et du modèle multiculturel, la différence essentielle, avec les 70 % qui gagne moins de 2000 euros par mois, tient toujours à sa capacité de se protéger des effets négatifs de ce modèle. À 5 000 euros par mois, la bourgeoisie aura toujours la capacité d’effectuer des choix résidentiels et scolaires qui la protège. Par ailleurs, il ne faut jamais oublier que ces catégories supérieures bénéficient depuis plusieurs décennies du modèle en renforçant la valeur de leur patrimoine.

La valeur de leur appartement à Paris a été multipliée par 10. Leur résidence secondaire, par 3. In fineMACRON est leur assurance-vie. Du côté des classes moyennes et populaires, les gens ont au contraire besoin d’un état qui régule, qui protège, puisqu’elles n’en ont pas les moyens. Mais, actuellement, l’offre politique ne permet pas de répondre à cette attente.

La majorité ordinaire a besoin d’un champion qui dépasse l’extrême droite. Boris JOHNSON ou Donald TRUMP n’étaient pas des hommes seuls, ils se sont appuyés sur des partis.

 

La pandémie a-t-elle bouleversé le clivage que vous décrivez? Le «monde d’après» sera-t-il caractérisé par un exode urbain?

En effet, le marché immobilier des villes moyennes, près des grandes métropoles, frémit un peu. Cela n’est cependant pas synonyme de rupture totale avec les grandes métropoles. Ces personnes mobiles sont majoritairement des CSP+ qui investissent dans des territoires déjà convoités. Quand on voit les marchés immobiliers qui frémissent, ce sont les zones déjà gentrifiées, notamment les littoraux atlantiques, les beaux villages, etc.

Ce qui me fascine autour de cette interrogation sur l’exode urbain, c’est le biais qu’il révèle. On se fiche de savoir ce qu’est le devenir de ceux qui vivent déjà dans la France périphérique (entre 60 % et 70 % des Français). Les élites pensent que l’avenir de ces territoires dépend de l’arrivée du bobo parisien, bordelais ou lyonnais. En réalité, l’arrivée de CSP+ par exemple sur les littoraux et dans les beaux villages de France fait qu’aujourd’hui les jeunes issus de milieux populaires ne pourront pas vivre là où ils sont nés.

Ils sont obligés de se délocaliser le plus loin possible du littoral dans ce qu’on nomme le rétro-littoral, voire plus loin encore. Propriétaire à la mer, c’est fini pour les classes populaires. La vue sur la mer sera demain réservée aux catégories supérieures qui se seront rendues propriétaires de l’ensemble des littoraux. Cette violence invisible, cette appropriation, rappelle celle qu’ont connue les grandes villes hier et il n’y aura pas de retour en arrière.

 

On organise une société avec un modèle économique ultra-inégalitaire qui ne bénéficie qu’aux 20 % les plus aisés.

On laisse filer les logiques de marché et, logiquement, les gens achètent leur résidence secondaire là où c’est beau et on se fiche du destin des jeunes issus des catégories populaires, nés sur ce territoire et qui vont devoir déménager. On tiendra des grands discours, on organisera des assises du territoire, des élus locaux diront que c’est scandaleux, mais, comme on ne veut pas bouger sur le fond, on renforcera un ressentiment énorme des catégories populaires.

Ce ressentiment alimente in fine le mouvement existentiel et social des classes populaires et moyennes occidentales. Et puisque les élites ne veulent ou ne peuvent pas y répondre, elles tiendront les populations par la peur. La gestion par la peur consiste à promettre l’apocalypse, qu’elle soit démocratique, écologique ou sanitaire. L’apocalypse démocratique consiste par exemple à nous faire croire depuis trente ans à l’arrivée du fascisme. C’est du théâtre et cela permet de rabattre éternellement les indécis ou le gros bloc des retraités vers les partisans du modèle globalisé.

Les citoyens auront peur du fascisme, de l’apocalypse sanitaire ou encore de l’apocalypse écologique. Toutes ces peurs permettent à des gouvernements impuissants de rabattre vers eux des citoyens qui ne votent plus par adhésion mais par crainte de l’apocalypse. Il n’y a aucune adhésion au macronisme. Seulement un vote de peur. S’il est réélu, le lendemain il s’effondrera dans les sondages.

 

La rédaction du Figaro vous conseille

[Le 8 décembre 2021, 16 H05, P. C., Guidel] :  Toutes mes félicitations à ICEO.  Votre analyse publiée le 22 novembre vient d’être validée par les résultats des primaires de LR et confortée par Dominique REYNIÉ dans l’entretien qu’il a accordé au Figaro hier (7 décembre). Cet entretien mérite d’être lu avec attention. J’espère que vous pourrez le faire connaître.

Noter que les pourcentages de votes au premier tour sont calculés par rapport aux :

nombres de suffrages exprimés.

EXTRAIT :

La droite peut-elle gagner la présidentielle ? À quelles conditions ?

Elle doit lire attentivement les données électorales. Aussi curieux que cela puisse paraître, la classe politique, ses leaders et nombre de commentateurs, ne semblent pas avoir considéré les préférences exprimées par les Français lors des élections présidentielles.

Dix élections présidentielles ont eu lieu depuis 1965. Si nous observons le premier tour, on peut retenir cinq enseignements fondamentaux. Premier enseignement, le total des suffrages se portant sur les candidats de droite montre que la droite n’a été minoritaire qu’une seule fois, en 1981 (49,2%). Au premier tour de l’élection présidentielle, la France de droite atteint la majorité absolue en 1965, 1969, 1974, 1988, 1995, 2002, 2007, 2012 et en 2017, où la majorité est relative puisque, dans ce cas, les électeurs de droite et ceux de gauche qui ont voté pour Emmanuel MACRON ne peuvent être comptabilisés ni à droite ni à gauche. Deuxième enseignement, le score moyen des droites au premier tour de l’élection présidentielle est de 56,7% – c’est d’ailleurs le chiffre auquel aboutit l’indicateur de la Fondation pour l’innovation politique qui évalue la disponibilité électorale des Français en 2022.

Troisième enseignement, la droite de la droite, une droite populiste alliant protestation, souverainisme et « appel au peuple », cette droite est en forte progression depuis 1988. Elle parvient au second tour à deux reprises, en 2002 (17,8%) et en 2017 (33,9%), doublant son score. Entre 1965 et 2017, le total des voix en faveur des candidats de la droite populiste, dominée par LE PEN père et fille représente un score moyen de 14,9% des suffrages exprimés. Quatrième enseignement, la part de la droite populiste dans les votes de droite augmente fortement, jusqu’à devenir majoritaire. 

Lors des élections présidentielles où la droite de gouvernement et la droite populiste sont en compétition, c’est-à-dire toutes à l’exception de 1969 et de 1981, la droite populiste représente en moyenne plus d’un quart (27,2%) du total des votes de droite. Mais cette proportion augmente depuis le début des années 1990. En effet, les votes en faveur de la droite populiste atteignent 33,7% du vote de droite en 1995, puis 34,8% en 2002 et 35,8% en 2012. En 2017, le total de la droite populiste (27,1%) représente 56% de tous les votes de droite et devient majoritaire au sein du vote de droite. C’est une première lors d’une élection présidentielle et une situation inédite depuis 1945Cinquième enseignement, la victoire de Nicolas SARKOZY en 2007 résulte de la combinaison d’un recul de la droite populiste (12,7%) et d’une poussée des votes de droite dont le total atteint 63,6% des suffrages exprimés. Il s’agit de la troisième meilleure performance électorale des droites après 1965 (65,4%) et 1969 (67,8%).

La droite française s’est souvent vue reprochée par ses électeurs de ressembler à la gauche, de ne pas être de droite.

[Le 22 novembre 2021, 16 H45, P. C., Notre-Dame de la Rouvière] :  Analyse chaque année un peu plus confirmée par les faits.