N° 123 Les Turcs et le syndrome de Sèvres

En 2016, les Kurdes étaient estimés à un minimum de 36,4 millions, répartis entre quatre États du Moyen-Orient:  (Turquie (41 %), Iran (25 %), Irak (20 %) (Syrie (8 %), et le reste du monde (6 %) dont 3% en Allemagne. Les Kurdes représenteraient 20 % à 25 % de la population turque.

En 1965, pendant les grandes vacances universitaires, on pouvait croiser dans les rues d’Istanbul des 2 chevaux Citroën, immatriculées en France, conduites par des étudiants en grande vadrouille. Les jeunes gens au volant étaient très fiers d’afficher sur la carrosserie de leur voiture, leur point de départ et le nom des villes qu’ils avaient déjà visitées ou ceux de celles où ils espéraient se rendre.

Les distances à Paris étaient bien sûr indiquées. On pouvait lire ainsi , entre autre : Istanbul (3 570 km), Téhéran (6 000 km), Kaboul (7 415 km), Islamabad (7 885 km), New-Delhi (8 430 km), Katmandou (9 500 km). Il faut rappeler, pour mesurer la difficulté de ces expéditions touristiques, que la plupart des routes empruntées n’étaient pas asphaltées, que les crevaisons étaient courantes, et que les possibilités de réparer étaient des plus réduites. Ces voyages étaient donc mécaniquement  hasardeux, mais, on a du mal à le croire aujourd’hui, sécuritairement très peu périlleux.

Jusqu’en août 1965, on pouvait traverser, d’Ouest en Est, la Turquie, l’Iran, l’Afghanistan, le Pakistan, l’Inde et le Népal. Ce qui est devenu totalement impensable en 2019.

1965,  deuxième guerre IndePakistan1973,  premiers soulèvements tribaux en Afghanistan,  de 1975 à 1990, guerre civile au Liban,  1979, l’instauration de la République islamique en Iran, de 1980 à 1987, guerre Iran-Irak,  1982,  soulèvement des frères musulmans à Hama en Syrie,  1978 création du PKK, 1984, soulèvement kurde en Turquie, 19902003 guerres d’Irak, autant de dates qui marquent l’augmentation continue du désordre dans le « grand bazar » au Moyen-Orient.

Depuis des siècles, dans cette région, les empires, et toutes les grandes puissances se sont fait, et se font  toujours, la guerre par procuration, Pour faire prévaloir  leurs intérêts immédiats, ils ont cru judicieux d’instrumentaliser  les rivalités  interethniques en ne tenant aucun compte des aspirations profondes des populations premières concernées.

Ce sont toutes les petites politiques à courte vue d’hier qui  ont mené à la grande catastrophe d’aujourd’hui.  

Les Alliés, vainqueurs de la Première Guerre mondiale, ont payé très cher les inconséquences du traité de Versailles (1919). Ils payent en 2019 les inconséquences des traités de Sèvres (1920) et  de Lausanne (1923).

Tout le drame que vivent les Kurdes actuellement, a pour origine le dépeçage inconsidéré de l’Empire Ottoman.

L’Obs a publié un article intéressant que nous reproduisons ci-dessous, avant sa lecture, ou après sa lecture, nous vous invitons à réviser l’Histoire et la Géographie de l’Empire Ottoman pour comprendre la complexité du problème à résoudre.

La Turquie vient de lancer une offensive en Syrie contre les forces kurdes, alliées des Occidentaux dans la lutte contre l’organisation État islamique. En 2018, dans une interview à « l’Obs », le chercheur Jordi TEJEL retraçait l’histoire de ce peuple sans État qui n’a jamais réussi à faire de sa cause un enjeu international.

Par Ursula GAUTHIER

Publié le 11 octobre 2019

Des bombardements suivis d’une incursion terrestre : la Turquie a lancé mercredi 9 octobre, comme elle s’y était engagée, son offensive au nord-est de la Syrie dans les territoires contrôlés par les Kurdes, alliés essentiels des Occidentaux dans le combat contre les djihadistes de l’organisation État islamique. Nous republions, à cette occasion, une interview de mai 2018 du chercheur Jordi TEJEL. Ce spécialiste du nationalisme kurde moderne et de la question minoritaire au Moyen-Orient, auteur de « la Question kurde : passé et présent », y retrace l’histoire des Kurdes.

Les Kurdes, qui comptent entre 30 et 40 millions de personnes sur quatre pays, Turquie, Iran, Irak et Syrie, ont-ils toujours été un peuple sans État ?

Il n’y a jamais eu d’État kurde unifié, bien que l’existence d’un Kurdistan ait été reconnue il y a très longtemps par les souverains, les sultans… Cette « terre des Kurdes » sera longtemps caractérisée par des frontières mouvantes. La chaîne de montagnes qui sépare la Turquie de l’Iran en constitue l’épine dorsale. Au fur et à mesure que les tribus nomades se sédentarisent, elles colonisent de nouvelles terres. Les féodaux kurdes contrôlent des espaces de plus en plus vastes aux populations très mêlées. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, début de la phase génocidaire qui finira par vider l’Anatolie de ses populations chrétiennes, permettant ainsi aux grandes tribus kurdes de faire main basse sur toutes les terres de ces communautés éradiquées.

Pourquoi ont-ils tardé à prendre conscience de leur identité ?

Longtemps les Kurdes se sont identifiés à l’esprit ottoman et à l’institution du califat. Ils jouissaient de nombreux privilèges en échange des services qu’ils rendaient, comme protéger les pèlerins en route vers La Mecque, contrôler les régions frontalières, surveiller les minorités rebelles, etc. Appartenant au groupe majoritaire sunnite, ils ne se percevaient pas comme une minorité. Mais des lettrés kurdes s’interrogent dès les XVIIe-XVIIIe siècles sur leur spécificité, leur pays à cheval sur deux empires, l’ottoman et le perse. Ce qui freine l’émergence d’une véritable conscience, c’est la définition encore très restrictive qu’ils ont de la kurdicité. Sont « kurdes » exclusivement les hommes de la caste aristocratique guerrière issue des tribus nomades. Sont exclus les femmes, les paysans et toute la population sédentaire. Pour eux, les paysans kurdophones sont des « rayat », des serfs, au même titre que leurs sujets chrétiens.

Comment cette prise de conscience a-t-elle finalement émergé ?

Elle passe par le contact, au tournant des XIXe et XXe siècles, avec les « millets », les minorités non musulmanes de l’Empire, comme les Arméniens qui participent activement à la vie politique, se battent pour leurs droits, ont des députés au Parlement ottoman, et vont même contribuer à fonder le parti des Jeunes-Turcs – sans se douter que ces derniers mettront en œuvre le génocide de 1915. Parallèlement se produit un phénomène de réaction contre la montée des revendications des minoritaires. Certains segments de la société kurde y voient une menace pour leurs privilèges et rejettent l’égalité entre communautés. C’est ce qui explique que les tribus kurdes se joindront à l’appel lancé par le sultan Abdulhamid, et participeront par solidarité panislamiste aux premiers grands massacres qui viseront les Arméniens en 1884 et 1886. Certains sont bien sûr motivés par la perspective de s’emparer des maisons, de l’or, des terres.

Dans votre ouvrage « la Question kurde : passé et présent », vous analysez l’occasion manquée d’un Kurdistan indépendant en 1920. Comment expliquer cet échec ?

Les pourparlers de paix au lendemain de la Première Guerre mondiale offrent aux Kurdes la perspective unique de fonder un État souverain. Signé en août 1920, le traité de Sèvres prévoit en effet la création de deux États en Anatolie orientale : un arménien au nord, un kurde au sud. Mais à Istanbul, une partie des « nationalistes kurdes » continue de rêver à une solution « autonomiste » au sein du nouvel État turco-musulman. C’est d’ailleurs ce que Mustafa KEMAL promet à tous ceux qui le rejoindront dans son offensive contre les forces étrangères.

« Dans la nouvelle Turquie, nous serons tous frères », jure-t-il aux chefs tribaux qu’il sollicite au nom de la solidarité musulmane – air connu. Les chefs kurdes d’Anatolie le rejoignent en masse et dénoncent publiquement le traité de Sèvres, jurant qu’ils s’opposeront à l’amputation du territoire comme à la création d’une entité arménienne, fût-ce au prix d’un renoncement à une patrie kurde.

Comment comprendre une attitude aussi dommageable à leurs propres intérêts ?

Le passé les rattrape : c’est le génocide des Arméniens de 1915 qui explique leur rejet du traité de Sèvres. Ils ont été en effet les principaux exécutants des massacres. Ils craignent d’être jugés pour leurs crimes. Ils redoutent aussi de devoir rendre aux Arméniens les terres confisquées entre 1895 et 1915. Résultat : le traité de Sèvres ne sera jamais appliqué. Trois ans plus tard, Mustafa KEMAL victorieux signe à Lausanne un traité définitif où ne figure plus aucune mention d’État arménien – ni kurde. Au lieu de l’autonomie espérée, cet échec ouvre une longue période d’épreuves.

Mustafa KEMAL ne tiendra pas ses promesses, bien au contraire. En Syrie sous mandat français, on laisse les Kurdes assez libres, mais sans leur garantir aucun droit particulier. Et en Iran, les régimes successifs mèneront, comme en Turquie, une entreprise d’assimilation sans merci et de répression sauvage à la moindre résistance.

Des quatre pays de l’espace kurde, l’Irak sous mandat britannique est le seul à reconnaître le statut de minorité des Kurdes et à leur octroyer des droits culturels. Et pourtant c’est en Irak que les massacres dans les années 1980 seront les plus terrifiants. On se souvient des attaques à l’arme chimique par Saddam HUSSEIN. L’opération Anfal en 1988 fera 200 000 à 300 000 morts chez les Kurdes.

Les Kurdes, éternels vaincus de l’Histoire ?

Le Kurdistan irakien a été façonné par la rivalité entre deux grandes familles, les TALABANI et les BARZANI. S’agit-il d’une rivalité de type « féodale » ?

Ces deux familles sont opposées à bien des égards. Les BARZANI sont issus d’une région montagneuse, plutôt religieuse. Le Parti démocratique du Kurdistan (PDK) qu’ils fondent en 1946 est un parti autonomiste de droite, conservateur sur les questions de société. Or, à partir des années 1950, on observe comme dans tout le Moyen-Orient un grand changement générationnel. Les idées de gauche ont partout le vent en poupe, la jeunesse éduquée s’embarque dans un important processus de radicalisation. Au sein du PDK, une aile gauche naît, en réaction au conservatisme des aînés. C’est de là qu’émerge un brillant étudiant de droit, issu d’une famille elle aussi très influente, les Talabani. Jalal Talabani fonde l’Union patriotique du Kurdistan (UPK), un parti positionné plus à gauche, ouvert au dialogue, voire au compromis avec des partis non kurdes, comme le PC irakien, et plus tard le Baas.

Quelle est la cause de leur mésentente ?

La rivalité entre ces deux partis débouche, à partir des années 1990, sur la division du Kurdistan en deux zones d’influence, chacun exerçant un contrôle total sur sa zone, ses ressources économiques, son commerce frontalier, l’un avec la Turquie, l’autre avec l’Iran. Le durcissement de la compétition pour les ressources débouche en 1994-1996 sur une véritable guerre civile. L’invasion américaine de l’Irak en 2003 bouleverse la donne en transformant le pays en un État fédéral. Sous la pression de Washington, les deux bords sont contraints de s’accorder. Mais au-delà des enjeux politiques, des intérêts matériels pourrissent la relation. La population voit désormais ces partis comme corrompus, clientélistes, utilisant le nationalisme pour faire taire l’opposition. Ils sont devenus comme tous les partis de la région, des groupes d’intérêt politico-économiques générateurs de corruption généralisée.

Et en Turquie ?

Là aussi, une nouvelle génération de jeunes Kurdes apparaît dans les années 1950-1960. Issus de milieux populaires, ils se tournent vers le marxisme, et réclament une place pour les familles modestes et pauvres. C’est de là que va surgir le mouvement nationaliste kurde, plus urbain, plus ancré à gauche que ses prédécesseurs, à la différence de l’Irak où ce sont, comme on l’a vu, les élites traditionnelles qui ont été les catalyseurs des aspirations nationalistes.

Les Kurdes sont maltraités partout. Quel est le pays où ils sont le plus discriminés ?

La Turquie, je pense. En Irak, la SDN [Société des Nations, ancêtre de l’ONU, NDLR] ayant obligé les Britanniques à octroyer des droits particuliers aux Kurdes, personne ne songe à les nier dans leur identité. La répression a certes fait plus de victimes en Irak, mais elle a correspondu à une époque très particulière. En Turquie, dès sa prise de pouvoir, le régime kémaliste les a soumis à une violence symbolique exceptionnelle : comme d’affirmer qu’il n’existe pas de Kurdes en Turquie. A quoi s’ajoute une violence physique ininterrompue. C’est tout à fait propre à la Turquie, car le kémalisme est lui-même un phénomène unique, avec l’ambition sans équivalent de formater les dimensions sociales et politiques des peuples.

A partir des années 1980, l’armée turque vide des régions entières pour empêcher la population d’aider la guérilla kurde.

C’est lié à l’apparition du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK), parti marxiste-léniniste qui prône la lutte armée. A sa naissance, à la fin des années 1970, comme la quasi-totalité des mouvements politiques kurdes, le PKK est très proche de la gauche turque. S’il s’en éloigne, c’est parce que cette gauche ne sait pas répondre aux demandes particularistes. Mais il va rester fidèle à son esprit nationaliste, étatiste, stalinien.

Jusqu’en 1980, le PKK doit lutter contre une foule d’autres groupuscules kurdes, tous marxistes et doctrinaires. Prêts à tout pour obtenir le monopole, ces groupes s’entre-tuent entre 1978 et 1980. Puis le leader du PKK Abdullah OÇALAN se retire avec ses hommes en Syrie, qui leur donne l’asile, pour se préparer militairement à l’affrontement final avec ses concurrents. Le coup d’État militaire de 1980, en décapitant toute la mouvance gauchisante, lui épargnera cette peine. OÇALAN ne s’en prendra à l’État turc qu’à partir de 1984. C’est la lutte armée et l’enchaînement d’actions réactions avec le pouvoir qui le fera connaître auprès des masses kurdes. A la fin des années 1980, le PKK règne en maître sur tout le Kurdistan. En Anatolie, ses hommes tiennent des régions entières, qui échappent ainsi au contrôle d’Ankara. Ce tour de force, ils le doivent à leur discipline de fer et à leur fonctionnement stalinien. Tout membre du PKK qui dévie de la ligne du parti est jugé devant un tribunal spécial, est invité à réfléchir sur sa faute, se repentir et doit subir le redressement décidé par le juge. Le PKK ne se trompant jamais, personne ne peut le critiquer.

Mais le PKK a changé d’idéologie…

Oui, plusieurs fois. A sa création, il se donnait pour mission d’obtenir un grand Kurdistan unifié. Il a renoncé à cette idée. Il voulait établir le communisme, il a abandonné cette idée aussi, et retiré le marteau de son drapeau. Après l’arrestation d’OÇALAN en 1999, le PKK traverse une crise d’identité et de stratégie. Il décide de changer, de s’enraciner là où il se trouve, de se transformer en changeant le profil social des recrues. Et il entame une nouvelle mue idéologique baptisée « confédéralisme démocratique ». Le but n’est plus de créer un nouvel État-nation, mais une organisation de type anarchiste avec un processus décisionnel de bas en haut. Une telle organisation peut se couler dans les structures existantes. Le Rojava – le Kurdistan syrien – très influencé par le PKK, a mis en place cette organisation qui part du quartier, monte vers la commune et aboutit au canton. On ne sait pas jusqu’à quel point ces théories sont appliquées. Mais, en tout cas, elles montrent que la menace de sédition et de séparatisme dont ERDOGAN accuse sans cesse les « terroristes kurdes » n’existe plus. Reste qu’il est difficile de comprendre ce qu’ils veulent et vers quoi ils tendent.

Les alliés du PKK au Kurdistan syrien sont toujours dépeints avec beaucoup d’admiration par la presse internationale.

Il faut dire que leur discours est très sympathique. Le Parti de l’Union démocratique (PYD), organisation sœur du PKK au Rojava, dit travailler à créer des espaces autonomes vis-à-vis de l’État, à faire avancer le féminisme, l’éducation, l’écologie. Qui ne serait pas admiratif, surtout comparé aux tristes performances des régimes environnants ? De plus les Unités de Protection du Peuple (YPG), avec leurs fameuses combattantes, ont réussi à déloger l’EI, c’est remarquable. Reste que ce nouveau système n’est inclusif que sur le papier. Si une radio indépendante diffuse des messages qui s’écartent du PYD, la station est fermée, avec violence s’il le faut. Si un groupe de femmes dont les idées ne sont pas à 100 % conformes aux féministes de l’appareil veulent une autorisation pour une activité, elles ne l’obtiendront pas. Sous le discours prétendument ouvert se cache en réalité une organisation extrêmement partisane et doctrinaire.

Est-ce que le PKK prend les décisions au Rojava ?

Le PKK s’est infiltré dans de très nombreuses associations de la société civile, et a réussi à les réorienter dans son sens en écartant un à un les éléments modérés. Il est devenu hégémonique. Mais cela ne veut pas dire qu’il contrôle tous les aspects de la société kurde. Seules les décisions stratégiques, de nature militaire et politique, sont prises dans les monts Kandil, au Kurdistan irakien où résident les leaders du mouvement.

Selon vous, les Kurdes pourront-ils réaliser leurs aspirations nationales ?

Les États de la région sont tellement jaloux de leur souveraineté qu’aucun mouvement kurde ne revendique plus un grand Kurdistan uni. Les différentes composantes se battent donc en ordre dispersé contre des gouvernements qui veulent les maintenir dans le statut d’éternels « minoritaires ». Malgré tout, ces groupes discriminés sont aujourd’hui porteurs de valeurs de progrès social, ce qui représente un grand espoir. En Turquie, le Parti démocratique des Peuples (HDP), issu du mouvement kurde, a remporté en 2015 80 sièges au Parlement grâce à l’apport des démocrates turcs qui voient en lui la seule solution progressiste. Je constate que, dans l’autre dossier insoluble de la région, la Palestine, on a vu le Fatah évoluer vers les idées du Hamas, s’islamiser. Chez les Kurdes, toutes les tendances se réclament de la laïcité, du progrès, des droits humains. Les évolutions ne se font pas dans le sens de la fanatisation religieuse. C’est un motif d’optimisme.

Propos recueillis par Ursula GAUTHIER

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« Prendre le recul de l’histoire pour comprendre l’actualité d’aujourd’hui. » Étienne

Dans la guerre turco-kurde qui a lieu en ce moment à la frontière syrienne, les journalistes occidentaux, presque unanimes, donnent tous les torts à la Turquie. Tous condamnent le sentiment nationaliste qui est très fort en Turquie, sans se poser la question de savoir d’où il vient.

Le vendredi 11 octobre, les joueurs turcs affichent leur soutien à l’armée Turque.

Le lundi 14 octobre, ils réitèrent, imités par leurs supporters.

La fierté nationale ne s’évanouit pas avec la signature des traités, Bien au contraire, lorsque les accords de « paix » sont acceptés sous la contrainte,  ils nourrissent  l’incompréhension et le  ressentiment propre à exacerber le sentiment nationaliste.  Les Turcs savent que, de la bataille navale de Lépante (1571) au traité de Sèvres (1920), les Occidentaux ont tout fait pour les faire disparaître en même temps que leur empire.

Ils savent qu’ils ne doivent leur survie qu’à leur armée et à son général en chef Mustafa Kemal  ATATüRK. Comme en France en 1905, la laïcité ne s’est établie en Turquie en 1924, après la fin du califat, que sous la contrainte. C’est un grand paradoxe que les Européens ont été incapables de comprendre, en Turquie, à sa création, c’est l’armée qui a été garante de la laïcité et de la démocratie. Lorsque les Européens se sont réjouis que Recep Tayyip ERDOGAN retire aux militaires leurs prérogatives traditionnelles, ils n’ont pas compris, que ce n’était pas pour renforcer la démocratie en Turquie qu’il voulait mettre l’armée turque au pas, mais pour pouvoir revenir sur la laïcité et les réformes kémalistes.

Les Européens ont enfin compris qu’avec ERDOGAN, ou sans lui, la Turquie n’avait pas vocation à devenir membre de l’Union européenne.Il est temps désormais qu’ils comprennent, qu’avec ERDOGAN, ou sans lui, l’armée turque, garante de l’unité et de l’intégrité du pays ne pourra jamais tolérer l’existence d’une base arrière kurde à sa frontière avec la Syrie.

Tous les Turcs, ou presque, sont atteint du « syndrome de Sèvres » qui leur interdit d’accepter les leçons de morale venant des Occidentaux, ceux qui ont voulu leur perte. Pour recouvrer leur confiance, les Turcs ont besoin d’actes concrets, et pas de belles paroles.

Pour faire taire les armes turques en Syrie  une seule solution viable : garantir l’intangibilité de la frontière turco-syrienne et créer, (coté syrien) une zone tampon ou d’exclusion aérienne et terrestre, sous contrôle international. Reste à mobiliser les forces d’intervention fiables nécessaires, sur le format adopté au Sud du Liban par la FINUL depuis 1978.

1683, l’Empire ottoman à son optimum (5 800 000 km2), aux portes de Vienne.

 1699-1914, le lent recul de l’Empire ottoman.

L’Empire ottoman à la veille du dépeçage du traité de Sèvres (1 780 000 km2).

 

L’Empire ottoman à la veille du dépeçage du traité de Sèvres (1 780 000 km2).

 

L’Empire ottoman à la veille du dépeçage du traité de Sèvres (1 780 000 km2).

 

 1916, l’Empire ottoman suite à l’accord franco-britannique.

1920, l’Empire ottoman réduit à moins de 400 000 km2 par le traité de Sèvres.

 1938, la Turquie actuelle (780 000 km2).

2014, les Kurdes dans les divers États nations créés par les Occidentaux

2018, les Kurdes de Syrie et la frontière turque

2019, les Kurdes de Syrie et la frontière turque

[Le 19 octobre 2019, 17 H45, P. M., Izmir ] : À la lumière de mes quelques connaissances sur l’histoire de la Turquie, N°123, Les Turcs et le syndrome de Sèvres constitue un solide document pour comprendre la situation actuelle de la Turquie. Il est bien construit, riche d’informations et, autant que je sache, sans parti-pris. Je l’ai lu attentivement avec beaucoup d’intérêt et je le garde sous le coude avec l’intention de m’y référer pour suivre l’évolution du problème kurde.

Je savais, entre autres, le rôle des Jeunes Turcs dans le génocide arménien mais j’ignorais celui des Kurdes. On peut avoir moins envie de les plaindre quand on sait cette abomination. Mais le temps a passé, les Kurdes d’aujourd’hui ne sont pas tous nécessairement de la même étoffe.

[Le 18 octobre 2019, 21 H40, S-H. Ö., Istanbul ] : L’analyse du rédacteur  de cet article est pertinente et magnanime pour ma pauvre Turquie. Il est regrettable que la plupart des responsables politiques français n’aient pas mesuré l’importance de la laïcité apportée par ATATÜRK.

[Le 16 octobre 2019, 7 H10, J-M. R., Alet-les-Bains] : « Les Turcs savent que, de la bataille navale de Lépante (1571) au traité de Sèvres (1920), les Occidentaux ont tout fait pour les faire disparaître en même temps que leur empire. »

On comprend que ça les chagrine, comme pour tout peuple qui perd ses conquêtes territoriales, mais il ne faut pas oublier que leur conquête des Balkans ne s’est pas faite dans la tendresse, mais le plus souvent par la guerre et la terreur, l’enlèvement des jeunes garçons pour les endoctriner pour en faire des janissaires et celui des jeunes femmes pour… Et qu’elle n’a pas laissé que des bons souvenirs.

Comme vous le savez peut-être, les Bulgares disent « oui » avec le signe de tête qui pour nous veut dire « non » (tournant la tête de droite à gauche) et ils disent « non » avec le hochement vertical de haut en bas qui pour nous équivaut à « oui », d’où quelques malentendus avec les Occidentaux.

La légende dit donc qu’ils ont pris cette habitude lors de la conquête turque des Balkans.

Les Turcs leur mettaient le couteau sous la gorge en leur posant ce marché : » tu te convertis à l’islam et tu as la vie sauve ou sinon je t’égorge ». Et le malheureux ou la malheureuse disaient donc « oui » (je me convertis), avec le hochement vertical que nous pratiquons et qu’ils pratiquaient aussi jusque là, tout en faisant de la rétention mentale disant : » je fais comme si je disais oui mais en mon fors intérieur, en fait c’est non que je pense ».

Et depuis lors, l’habitude se serait maintenue, d’où quelques malentendus avec les touristes occidentaux lorsque, au restaurant, demandant au serveur s’il avait tel plat de la carte disponible, il se voit répondre « non » de la tête par un serveur qui lui répond « oui » selon la tradition ancienne. Les jeunes Bulgares de maintenant, confrontés aux pratiques occidentales, ont résolu le problème par un balancement latéral-vertical de la tête qui est un « oui » modernisé, tout en respectant quelque peu la tradition.

Quant aux Kurdes, ils ne sont sympathiques que pour ce qu’ils ont fait dans la lutte contre DAECH et si l’on oublie le revers de leur médaille, bras armé du génocide arménien et chrétien en Anatolie et ailleurs et méthodes staliniennes du PKK.

[Le 15 octobre 2019, 23 H35, A. B., Les Sables d’Olonne : Comme les croissants du petit déjeuner nous le rappellent tous les matins, les turcs ont essayé de conquérir l’Europe et n’ont rien à y faire. Il s’est trouvé des politiciens irresponsables – Michel ROCARD – pour plaider la cause de leur entrée dans l’Union, et les technocrates de Bruxelles, obsédés par l’aspect économique, et peut-être leur intérêt personnel – ont mis la machine en route.       Le péril parait aujourd’hui écarté ?

Même pour les pays européens, adhérer à un projet commun demande un minimum de convergences, comme le montre le Brexit.

Les turcs ont du mal à digérer Sèvres? Les européens ont du subir Yalta pendant soixante ans. ATATÜRK a représenté une tentative intéressante pour faire entrer un pays islamique dans la modernité. Ses héritiers détricotent son œuvre. Quant aux Kurdes, leurs divisions les condamnent à servir de supplétifs aux uns et aux autres selon les circonstances. Un état ne pourrait naitre qu’en dépeçant ceux qui se partagent la région. Ce n’est pas demain la veille, même si la pérennité de certains est loin d’être assurée….

[Le 15 octobre 2019, 16 H05, J-F. B., Annecy] : Quel dommage que la Turquie ne soit pas rentrée dans l’Union européenne !