N° 023 ICEO : l’avenir nous intéresse, aussi …

En France : trois millions de jeunes hors champs

Depuis une semaine les Français sont invités à débattre du futur qu’ils souhaitent pour eux et leur pays. Pour encadrer le grand débat national qu’il a proposé le 10 décembre 2018, le président de la République a adressé le 13 janvier une « lettre aux Françaises et aux Français ».

En raison de l’importance et de la concision de ce qu’il a écrit (2 365 mots), le président a bien évidemment choisi avec la plus grande attention les mots qu’il a utilisés. C’est pourquoi, en relevant les termes utilisés et en comptant leur occurrence, ont comprend mieux le sens profond du message que le président a voulu délivrer aux Français, et on peut imaginer plus facilement quelles sont ses préoccupations essentielles.

On trouve ainsi sans surprise dans la « lettre aux Français », 12 fois le mot impôt (ou ses synonymes taxe et fiscalité), 7 fois le mot avenir, 5 fois l’adjectif européen et une fois le nom Europe, 3 fois le mot travail, et 2 fois le mot effort. On trouve aussi, ce qui est plus surprenant, pour un président qui craint le nationalisme, 5 fois le mot nation. Par contre il y un mot qui manque cruellement dans la lettre d’un président soucieux d’avenir, c’est le mot jeunesse.

Ceci n’a pas manqué d’être relevé par le rédacteur en chef du Figaro, Jean-Pierre ROBIN, dans l’article publié le lundi 21 janvier dans la partie économie du journal, sous le titre : « Trois millions de jeunes totalement oisifs, dont 40 % issus de l’immigration. »

Selon les chiffres dévoilés par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique), lors d’un récent séminaire organisé par l’OCDE-Ajef (Association des journalistes économiques et financiers), en France, 3 millions de personnes âgées de 15 à 34 ans ne seraient ni en enseignement, ni en formation, ni en emploi.

Pour que le grand débat national ne fasse pas l’impasse sur cette sombre réalité sociale, le cœur du mal français, il faut faire largement connaître les données apportées par l’OCDE.

Pour ce faire, nous reproduisons l’intégralité du récent article du rédacteur en chef du Figaro.

« L’avenir m’intéresse, c’est là que j’ai l’intention de passer mes prochaines années ! ». Cette phrase que l’on prête à Woody ALLEN, représente bien l’esprit taquin qui anime les responsables d’ICEO.

D’où le titre de cet article : ICEO : l’avenir nous intéresse, aussi …

ANALYSE – Ces chiffres de l’OCDE sur les 15-34 ans résument tout le mal français.

Deux longs mois d’hiver et de ténèbres où il n’est question que de pouvoir d’achat et de justice fiscale. La croissance, le chômage, les déficits, la conjoncture internationale pour le moins incertaine, etc., tous les autres aspects de la vie économique et sociale du pays sont passés à l’as. La France vit sur son rond-point, comme Diogène sur son tonneau, hors du monde. Chacun de nous est devenu la dupe consentante de cette obsession nationale de la fiscalité portée à incandescence comme jamais. Et pour sa part Emmanuel MACRON est le premier à en être prisonnier.

Dans sa «lettre aux Français» publiée le dimanche 13 janvier à 20 heures tapantes pour présenter le grand débat national, le président de la République a exposé sa conception des discussions lancées officiellement deux jours plus tard, le 15 janvier à Grand Bourgtheroulde, dans l’Eure. Rien de plus légitime alors que l’idée de cette thérapie de groupe à l’échelle de l’Hexagone lui revient quoi qu’on en pense. De même, était-il normal que le chef de l’État énumère une trentaine de questions qu’il souhaite voir évoquer. Le mot «impôt» (ou ses synonymes «taxe» et «fiscalité») revient à douze reprises dans sa lettre, reflétant la délétère passion française pour les polémiques fiscales. En revanche, les mots «jeunesse» et «production» sont totalement absents de son propos.

Les trois «ni»

C’est là que le bât blesse. Car s’il est un problème douloureux, à la racine de tous nos maux, c’est bien celui-ci: un nombre aberrant de jeunes Français se trouvent aujourd’hui à l’écart de toute activité productive, dans la plus parfaite oisiveté, «la mère de tous les vices» selon la sagesse populaire. Ainsi l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, vient-elle de calculer ce chiffre terrifiant présenté l’autre semaine lors d’un séminaire OCDE-Ajef (Association des journalistes économiques et financiers): «En France, 3 millions de personnes âgées de 15 à 34 ans ne sont ni en enseignement, ni en formation, ni en emploi, dont 40 % sont de jeunes issus de l’immigration», a-t-il été dit lors de cette réunion consacrée à l’intégration des migrants dans les pays de l’OCDE.

Précisons bien chacun de ces termes et des chiffres tels que nous les a communiqués Jean-Christophe DUMONT, chef de la division des migrations internationales à l’OCDE. Les trois «ni», «ni en emploi, ni en enseignement, ni en formation» forment désormais le concept le plus pertinent pour appréhender la situation des jeunes vis-à-vis du marché du travail. Ce que les Anglo-Saxons, qui adorent les acronymes, appellent les «NEET» (not in employment, education, or training), notion développée à la fin des années 1990, dans un rapport de l’administration britannique.

L’OCDE, décryptant les données de l’enquête emploi de l’Insee (2017), dénombre en France très exactement 2,850 millions de «NEET» qui ont entre 15 et 34 ans. Cela représente un taux d’inactivité de 18,1 % pour cette tranche d’âge qui rassemble 15,750 millions de gens (et un taux de chômage stricto sensu de 14,3 % selon l’Insee, sachant que pour une partie de ces jeunes l’inactivité est un choix plus ou moins délibéré).

Sur les 2,850 millions de «NEET», 1,75 million sont des «natifs de natifs» pour reprendre la formulation de l’OCDE signifiant qu’ils sont «nés en France, de parents nés eux-mêmes en France». Entre parenthèses, les statistiques «ethniques» sont interdites dans notre pays comme chacun sait, mais l’Insee et l’Ined sont tout à fait autorisés à demander le lieu de naissance dans leurs enquêtes!

Grâce à quoi l’OCDE peut identifier 1,090 million de personnes vivant en France, «ni en emploi, ni en enseignement, ni en formation» et qui sont «issus de l’immigration» (soit un sur quatre). Cette expression recouvre deux cas de figure: d’une part, les 500 000 «NEET» nés à l’étranger (définition de l’immigrant), dont 445.000 dans un pays autre que l’Union européenne, et d’autre part les 590 000 «NEET» nés en France et «ayant au moins un parent né à l’étranger».

De ce décompte qui ferait un excellent exercice pour les insomniaques en mal de sommeil, on se gardera du moindre commentaire. À chacun de se faire son opinion. Rappelons seulement qu’au vu de ce constat, l’Union européenne a demandé à la France (ainsi qu’à l’Autriche et à la Belgique) «d’améliorer l’insertion sur le marché du travail des descendants d’immigrés» (recommandation du
7 mars 2018).

Les eurosceptiques vitupéreront contre «ces eurocrates qui se mêlent de tout». Mais il faut se rendre à l’évidence: notre pays intègre certes très difficilement ses immigrants mais tout aussi mal «les Français de souche» pour dire les choses crûment. Et d’ailleurs on se demande comment l’Hexagone pourrait être une terre d’asile accueillante alors qu’il est incapable de bien traiter ses autochtones. La comparaison avec l’Allemagne est édifiante, qui affiche une proportion des 15-34 ans «ni en emploi, ni en enseignement ni en formation» de 7 % pour ses autochtones et de 10 % pour les personnes issues de l’immigration. La Suède et la Suisse ont des performances similaires.

En l’occurrence le territoire français est l’un des plus désœuvrés de l’OCDE, ce «club des pays riches» comme on la présente souvent. De même la France arrive dans le dernier tiers du classement de l’OCDE mesurant les compétences de base des adultes en lecture et en calcul (enquête PIAAC). Le tableau est cohérent: la difficulté des jeunes Français à s’employer découle directement de leurs carences culturelles sur un marché mondial ultra-concurrentiel. «Quand je me regarde je me désole, quand je me compare je me console»: ce proverbe nous a longtemps servi de viatique. Il est hélas devenu obsolète. Un vrai sujet de débat!

[Le 23 janvier 2019, 8  H 50, N. N., Nantes ] :  Je salue l’esprit taquin des responsables d’ICEO. N’oublions pas que la taquinerie, c’est la méchanceté des bons.

[Le 23 janvier 2019, 8  H 10, J. J., La Grande-Motte] : PLATON (429-347 av JC) (extrait de La République)

Lorsque les pères s’habituent à laisser faire les enfants,

Lorsque les fils ne tiennent plus compte de leurs paroles,

Lorsque les maîtres tremblent devant leurs élèves et préfèrent les flatter,

Lorsque finalement les jeunes méprisent les lois parce qu’ils ne reconnaissent plus, au-dessus d’eux, l’autorité de rien et de personne, alors, c’est là, en toute beauté, et en toute jeunesse, le début de la tyrannie.

[Le 22 janvier 2019, 20 H 30, J. R., Béziers] : Un vrai sujet de débat ??? Le ministre Bruno LE MAIRE, interviewé par la BBC a clairement dit (en anglais) que le grand débat ne ferait pas changer d’un iota la ligne du gouvernement.