N° 237 Le combat pour l’abolition de l’esclavage est loin d’être fini.

Selon l’anthropologue sénégalais Tidiane N’DIAYE, les traites et les esclavages occidentaux et arabo-musulmans n’auraient pas été possibles sans la collaboration active des Africains.

L’instrumentalisation racialiste et anachronique de lois mémorielles, de plus en plus rétroactives, mène la France au chaos.

Avec la loi de mai 2001 [Loi dite TAUBIRA], on est remonté jusqu’au XVe siècle en parlant de « crimes contre l’humanité ».

Cette notion juridique n’a été élaborée qu’en 1945. La notion de génocide date, elle, juridiquement de 1948. Les appliquer rétroactivement n’a de sens ni en droit ni en histoire. Ces définitions sont conçues pour pourchasser les criminels contemporains. Dans le cas de la traite, les criminels sont morts depuis longtemps ! Qui va-t-on pourchasser ?

En 2006, Françoise CHANDERNAGOR posait cette grave question.

En 2020, on connait la réponse.

En 1789, nuit du 4 août, abolition des privilèges féodaux. On connait la suite !

En 2020, 7 juin, dénonciation du « privilège des blancs ». On peut redouter la suite !

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« Faut-il légiférer sur l’histoire? »

Le 23 février 2006. Débat :  Françoise CHANDERNAGOR / Christiane TAUBIRA

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La juriste et signataire de l’appel « Liberté pour l’histoire » (Françoise CHANDERNAGOR) et la députée qui a fait voter la loi, qui porte son nom (Christiane TAUBIRA), sur la traite négrière et l’esclavage débattent des «lois mémorielles ».

EXTRAIT

[…]

Françoise CHANDERNAGOR – La loi suprême, qui garantit nos libertés, c’est la Constitution. Le Parlement ne peut pas demander au citoyen de respecter les lois si lui-même viole la seule loi qui s’impose à lui : la Constitution adoptée au suffrage universel.

[…]

Françoise CHANDERNAGOR – Si les députés s’obstinent, en violant la Constitution, à imposer des vérités historiques, encore faut-il que ce ne soit pas des vérités partielles ! Pourquoi, à propos de la traite négrière, n’a-t-on parlé dans la loi que de la traite transatlantique ? Nous savons bien que la traite arabe a été aussi importante en quantité, sinon plus, et que les plus grandes révoltes d’esclaves se sont déroulées dans le monde arabe. Il y a aussi une traite interafricaine. L’esclavage a toujours existé en Afrique et y existe encore.

Christiane TAUBIRA – Que la traite arabe ait fait, de trois millénaires avant Jésus-Christ jusqu’au XIXe siècle, autant de morts que les quatre siècles de la traite transatlantique, oui. Mais cette arithmétique-là, je n’en veux pas. Les traites arabe, européenne, interafricaine, ce sont des millions de destins pulvérisés. Les mettre en balance, je trouve ça obscène.

Françoise CHANDERNAGOR – Les traites non occidentales étaient-elles, ou non, un crime contre l’humanité ?

Christiane TAUBIRA – Oui, mais ce n’est pas ça le débat. J’estime que le Parlement a des choses à dire, y compris sous forme de loi solennelle, avec un certain nombre de dispositions normatives telles que dates de commémoration, programmes scolaires, lieux de mémoire.

Françoise CHANDERNAGOR – Là-dessus, je suis entièrement d’accord. En revanche, le rôle de la loi n’est pas de dire l’histoire, surtout d’une façon partielle. Il y a eu lors du débat sur votre loi une belle intervention d’Henry JEAN-BAPTISTE, député de Mayotte, pour dire que « le devoir de mémoire ne saurait être sélectif». Il demandait qu’on parle de la traite négrière en général, sans réduire le crime à la traite transatlantique. Il savait bien que les Comores ont été un des grands centres de traite arabe.

Dans la période agitée actuelle, les “blancs” sont, soit, devenus inaudibles, soit, carrément sommés de se taire. En France, depuis la mort horrible de Georges FLOYD, la parole du “blanc”, même la plus antiraciste qui soit, est strictement contrôlée, voire interdite. ACAB, ACAB, peut-on lire ces jours-ci sur les murs des grandes villes. ACAB pour All Cops Are Bastards ( TOUS les flics sont des bâtards).

L’antiracisme est ainsi dévoyé et instrumentalisé de façon éhonté, depuis des années, par de dangereux irresponsables dont la haine n’a d’égale que l’inculture.                                                                                                                                                                –

Il est urgent de laisser la parole aux Africains, qui connaissent l’Afrique

Les traites et les esclavages occidentaux et arabo-musulmans n’auraient pas été possibles sans la collaboration active des Africains.

Décryptage avec l’historien et anthropologue sénégalais Tidiane N’DIAYE.

 Recueilli par Philippe TRIAY  publié le 7 mai 2015 sur le site web de franceinfo [Le portail des Outre-mer]

ZZZ C’est une réalité sur laquelle historiens, journalistes et militants ont souvent jeté un voile, par lâcheté intellectuelle ou opportunisme idéologique. Mais les faits sont têtus, et il existe assez d’archives pour l’attester. Durant les longs siècles de traite et d’esclavage arabo-musulman puis occidental, des États négriers d’Afrique ont participé et se sont enrichis grâce à ce commerce, comme les royaumes d’Ashanti ou d’Abomey (actuels Ghana et Bénin) par exemple (voir cartes ci-dessous).

ZZZ Auteur d’un ouvrage remarqué sur l’esclavage arabo-musulman, « Le génocide voilé » (éditions Gallimard, 2008), l’anthropologue et économiste sénégalais TidianeN’DIAYEexplique à propos de la traite que « la complicité de certains monarques et leurs auxiliaires africains dans ce commerce criminel est une donnée objective ». Interview sans langue de bois.

Philippe TRIAY : Ce sont des faits historiques souvent négligés ou occultés par les chercheurs, mais des Africains ont aidé à alimenter la traite transatlantique et le système esclavagiste durant des siècles. Comment cela se passait-il ? Qui étaient les principaux protagonistes ?
TidianeN’DIAYE: Vous savez, dans cette tragédie les prédateurs, d’abords arabes puis occidentaux ont excité la cupidité et la rapacité de nombreux chefs locaux. Les razzias étaient légalement organisées par des chefs ou sultans, pour approvisionner les négociants qui travaillaient pour l’exportation de captifs africains. Par exemple les princes des États voisins de celui du sultan du Bornou (Kanem, Wadaï, Baguirmi et Sokoto) dans l’actuel Nigéria, se livraient au trafic de captifs.

Tous, loin de vouloir supprimer une traite dont  ils profitaient, ne songeaient qu’à imposer des taxes de passage lorsqu’ils ne « rackettaient » pas directement les caravanes.

ZZZ Au pays des Fellatas, les chasses à l’homme y étaient dirigées par Ahmadou, fils et digne héritier de El Hadji Omar Seydou Tall, sur le sentier du Jihad. A l’intérieur du continent, l’entreprise était encore plus répugnante avec les monarques dahoméens, dont le plus grand des fournisseurs d’esclaves fut Béhanzin. Car ici l’islamisation n’explique pas leur complicité, ils étaient animistes pour la plupart.

ZZZ Ces usurpateurs sanguinaires crispés sur leurs privilèges, étaient surtout préoccupés par la puissance et le prestige, que seul le verdict des armes pouvait assurer en ces lieux. Ils entrèrent en « collaboration », d’abord avec les Arabo-musulmans, avant l’arrivée des négriers européens. Ils ont vécu du sang, de la sueur et de l’agonie de leurs peuples.

ZZZ Pour gagner en efficacité, tous eurent de plus en plus besoin de moyens aussi sophistiqués que meurtriers. Pour disposer de plus d’armement et de chevaux, gage de leur puissance, ils furent obligés de vendre davantage de captifs en engageant des guerres contre les royaumes voisins pour se fournir. Tout en se faisant des guerres au service des négriers, ces chefs africains furent progressivement piégés par les mécanismes d’échange de la traite.

ZZZ Aussi, beaucoup « d’exportés » étaient le produit de guerres intestines, encore accrues par l’appât des débouchés qu’offrait d’abord cette ignominie. Puis l’arrivée des navigateurs fut PROVIDENTIELLE pour le commerce de ces États trop éloignés du Sahara, pour qu’ils y écoulent leur surplus de captifs.

Certaines royautés ou nations africaines de l’époque se sont-elles vraiment enrichies grâce à la traite, et dans quelle mesure ?

Il y avait une offre massive de captifs, moyennant armes, chevaux, textiles ou Cauris  (coquilles de gastéropodes qui servaient de monnaies dans cette partie de l’Afrique précoloniale.) Ce dernier comme on sait, sera progressivement remplacé par l’argent, qui se révélera être le plus pernicieux des instruments de corruption jamais introduits en Afrique. D’autres chefs faisaient aussi des razzias et vendaient des hommes pour avoir des bœufs, des armes, des étoffes ou tout autre bénéfice.

La responsabilité de ces roitelets et autres renégats cupides, ne souffre aucun doute. Dans cette tragédie, force est donc, de reconnaître qu’il y eut la collaboration de potentats autochtones qui, pour tirer profit de ce mal, se souciaient peu de la destination ou de la mort de leurs compatriotes. Il n’y eut pas seulement que les négriers berbères, égyptiens, européens et autres ramassis et écume des nations. La complicité de certains monarques et leurs auxiliaires africains dans ce commerce criminel est une donnée objective.

L’ex-président du Sénégal Abdoulaye WADE a rappelé récemment, de manière peu élégante il est vrai, l’existence d’un esclavage interne à l’Afrique subsaharienne quand il a traité son successeur Macky SALL de « descendant d’esclaves ». Qu’en est-il exactement sur le plan de l’histoire ?
En fait, il faut dire qu’isolée du monde méditerranéen pendant des millénaires, l’Afrique noire a ignoré jusqu’à l’ère contemporaine la propriété foncière. La propriété privée n’existait pas dans nombre de pays ou alors de façon très limitée. L’environnement étant propriété commune, beaucoup de familles choisissaient de mettre toutes leurs terres en coopérative, pour les exploiter.

ZZZ L’argent n’existait pas au sens où nous le connaissons aujourd’hui. Mais progressivement l’enrichissement et l’élévation sociale, viendront à dépendre de la possibilité de cultiver un maximum de surface. D’où la nécessité de disposer d’une importante main-d’œuvre. Ainsi dans les sociétés africaines plus un homme possédait de serfs pour cultiver ses terres et de femmes, plus il était riche.

ZZZ Et plus il était riche, plus il était en situation d’accroître son « patrimoine » de femmes et de serfs. C’est ainsi que la voie fut ouverte vers les conflits, pour se procurer de la main-d’œuvre. Des guerres tribales se firent donc plus violentes. Les chefs de clans victorieux, au lieu de se contenter des terres conquises et d’une reconnaissance, obligeaient les vaincus à accepter une position de subordination. Également de vieilles rancunes de familles et des rivalités de tribus provoquaient souvent des conflits tout aussi dévastateurs. Les vaincus devenaient captifs des vainqueurs.

Le résultat de ces affrontements était que des famines et des disettes devenaient fréquentes et parfois si dramatiques, que des hommes libres n’hésitaient pas à se vendre eux-mêmes comme captifs ou à vendre leurs propres enfants. Les coupables de certains crimes comme les sorciers, pouvaient être réduits en servage et éloignés de leur région d’origine. Il arrivait aussi que des individus se vendent eux-mêmes à un maître, pour éteindre une dette qu’ils ne pouvaient rembourser.

ZZZ D’autres qui avaient perdu leurs proches, pouvaient aussi par le servage, être socialement réintégrés. Ils abandonnaient leur patronyme pour adopter celui d’un maître. Une constante dans les sociétés négro-africaines, est aussi le système des castes qui a abusivement fourni de nombreux asservis. Du portugais casto (pur), ce système symbole de classes strictement hiérarchisées dans beaucoup de civilisations, est appliqué depuis des milliers d’années en Afrique. Cette hiérarchisation sociale se traduit par exemple au Sénégal, par une division comprenant au sommet, des nobles de sang royal, appelés Bours, Guélawars, Faama, Mwené, Damel, Almamy, Linguers etc.

ZZZ Durant des siècles, les sociétés africaines fonctionnaient suivant cette féodalité souvent d’épée ou de robe. Ce qui a engendré une classe de seigneurs, qui ont toujours dominé et souvent soumis au servage, des hommes appartenant aux autres classes sociales. Ces populations ou le gros de la plèbe, étaient composées de non-castés dits Guers et les autres membres de castes inférieures qui sont appelés Nyénios (Rabb, Mabbo, Woudé, Teug, Laobé, Guéwel, Dions etc.)

ZZZ En fait ces catégories sociales, regroupaient souvent des corporations artisanales longtemps méprisées comme les cordonniers, les forgerons, les tisserands etc. Sachant que l’esclavage ou servage africain relevait de rapports de force très aléatoires et que les « castés » avaient tout aussi absurdement été relégués à ce rang du fait de leurs professions, j’ai trouvé ridicule et irrévérencieuse l’attitude de WADE envers Macky SALL.

Pensez-vous que l’Afrique subsaharienne (ou du moins certaines nations, car le continent est immense) devrait reconnaître officiellement sa responsabilité dans la traite et la déportation de millions d’esclaves, comme l’ont fait certains États occidentaux ?
ZZZ Bien évidemment cette question demeure taboue et divise les intelligentsias africaines et afro-américaines. Mais le président Matthieu KÉRÉKOU du Bénin, avait été le premier  à se mettre à genoux devant une congrégation noire de Baltimore, pour demander pardon aux Africains-Américains et à toute la diaspora pour « le rôle honteux que les Africains ont joué durant la traite ». Le 27 avril 2015, pour la première fois un pays africain, le Sénégal, rendait hommage aux victimes de la traite négrière.

ZZZ La date de cette commémoration, qui se veut désormais annuelle, n’a pas été choisie au hasard : elle correspond à celle de l’abolition de l’esclavage dans les colonies françaises, le 27 avril 1848.

ZZZ Bien que les organisateurs de cette manifestation ne se soient pas étendus sur le rôle des Africains eux-mêmes dans cette tragédie, rappelons qu’en octobre 2003, les évêques africains réunis à Gorée avaient publié une déclaration dans laquelle ils demandaient « le pardon de l’Afrique à l’Afrique » en ces termes : « Commençons donc par avouer notre part de responsabilité dans la vente et l’achat de l’homme noir, hier et aujourd’hui… Nos pères ont pris part à l’histoire d’ignominie qu’a été celle de la traite et de l’esclavage noir. Ils ont été vendeurs dans l’ignoble traite atlantique et transsaharienne…»

ZZZ Ceci venait après la déclaration du pape Jean-Paul II qui, en 1985 à Yaoundé, au nom des Catholiques de l’Occident, avait demandé pardon à « nos frères africains qui ont tant souffert de la traite des Noirs ». Ce message sera repris dix ans plus tard à Rome, implorant encore : « le pardon du ciel pour le honteux commerce d’esclaves auquel participèrent de nombreux chrétiens ».

 

Je pense que maintenant la messe est dite,

nul ne peut plus ignorer les responsabilités des uns et des autres.

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Le combat pour l’abolition de l’esclavage est loin d’être fini.

Presque tous les peuples ont été esclavagistes,

et certains le demeurent encore aujourd’hui, notamment en Afrique.

En ignorant, ou en voulant taire, cette terrible réalité, les Occidentaux, les Français en première ligne, se condamnent à une éternelle impuissance politique et militaire au Sahel.

Car les différents raciaux multiséculaires liés à l’esclavage offrent, aux divers mouvements terroristes djihadistes d’importation, la possibilité d’enrôler très facilement des troupes supplétives.

Longtemps après l’abolition de l’esclavage, sa simple existence mémorielle, divise dramatiquement la société occidentale.  L’esclavage réel  actuel, même quand il n’est que résiduel, est le facteur essentiel dans les divisions qui minent les pays multiethniques subsahariens.

Plusieurs pays Européens ont signifié au gouvernement français qu’ils ne rejoindraient pas la guerre contre le terrorisme au Sahel «tant que le droit international humanitaire n’y serait pas respecté».

L’esclavagisme étant l’un des plus grands crimes contre l’humanité, les soldats français vont devoir attendre.

Maître Mohamed Ali BATHILY, ancien ministre de la justice du Mali en 2013, témoigne.

Au Mali aussi il existe des zones de non-droit [de l’homme] !

[Le 30 juin 2020, 17 H20, P. B., Claret] : Merci beaucoup de cet édifiant résumé de la vérité historique. La traite des esclaves noirs reste un phénomène épouvantable quels que soient ses organisateurs, et il serait bon en effet que tout le monde reconnaisse la part qu’il y a prise. Mais quand on constate le dogmatisme sélectif de Madame Taubira, il y a peu d’espoir que cette reconnaissance de culpabilité ou tout au moins de complicité soit un jour affirmée.

[Le 30 juin 2020, 10 H10, C. A., Bucarest] : La traficul de persoane, România e la nivel cu Congo şi Sudan, la mame minore lângă Botswana, la educație financiară tot cu Sudanul, la figuri în cap însă, la mofturi, n-are adversar, campioni intergalactici, peste bulgari.

[Le 27 juin 2020, 16 H00, C. A., Angers] : Vaste sujet, qu’il ne faut  pas laisser aux idéologues, aussi incultes que haineux !