N°365 Nous nous sommes tant aimés. Mali: quel gâchis!

La France part, mais tous les Français qui ont eu la chance de pouvoir nouer des liens d’amitiés très forts avec les Maliens, leur gardent toute leur estime et leur affection.

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Supérieur à 30 minutes, le temps de lecture de cet article de fond peut rebuter les lecteurs pressés. Il est malheureusement impossible d’aborder sérieusement un sujet complexe de façon courte et forcément simpliste.. Afin que tous ceux qui le souhaitent, puissent découvrir les articles progressivement, au fur et à mesure de leur avancée, et puissent prendre part à leur rédaction collective, nous les mettons en ligne et nous le signalons, avant qu’ils ne soient totalement terminés

La France quitte le Mali. Pour essayer de comprendre pourquoi, il faut absolument lire dans le journal La Croix du 17 février 2022, la tribune de Serge MICHAÏLOF, intitulée : «Détruire le terrorisme au Mali était une mission impossible», ainsi que l’article de Thomas HOFNUNG et Laurent LARCHER, publié le 18 février, dans le même journal intitulé : De Serval au retrait français, comment la France a perdu le Mali.

Version pdf téléchargeable : « Détruire le terrorisme au Mali était une mission impossible« 

Version pdf téléchargeable : De Serval au retrait français, comment la France a perdu le Mali.

En février 2013, tout avait si bien commencé!

Le président François HOLLANDE a été reçu le 2 février 2013 à Tombouctou, sous les ovations des habitants de la ville reprise aux groupes terroristes, trois semaines après le début de l’intervention française au Mali.

« Vive la France, vive HOLLANDE«  : des milliers d’habitants de la grande ville du Nord, rassemblés sur la place principale de la ville ont salué en libérateur le président français, qui est allé à la rencontre de la foule, dans une indescriptible cohue.

Le 3 février, à Bamako, même ferveur, même enthousiasme.

En quittant le Mali, le président HOLLANDE, sur un petit nuage, déclara avoir vécu : « le plus beau jour de [sa] vie » ».

Bamako, le 3 février 2013

François HOLLANDE :  « Oui le terrorisme a été repoussé. Il a été chassé. Mais il n’a pas encore été vaincu. Alors, qu’avons nous à faire? Continuer, poursuivre, Et la France restera avec vous le temps qu’il faudra« .

C’était trop beau pour durer !

Revenus en France, sous le coup l’émotion qu’ils avaient ressentie en voyant le président français acclamé à Tombouctou le 2 février et à Bamako le 3, les journalistes semblèrent avoir perdu la raison. Trop jeunes pour avoir vécu personnellement les évènements d’Algérie, nombre d’entre eux eurent la faiblesse de penser que l’amour qu’avaient manifesté les Maliens pour « papa HOLLANDE » était fait pour durer (toujours ?).

En leur temps, en entendant le 4 juin 1958 le général de GAULLE déclarer à la foule enthousiaste réunie sur la place du Forum d’Alger : « Je vous ai compris ! », la plupart des journalistes présents eurent, eux aussi déjà, la légèreté de croire un instant que les aspirations de toutes les populations vivant en Algérie allaient pouvoir être satisfaites, bien qu’elles fussent pour beaucoup parfaitement contradictoires. On sait comment tout cela a fini.

Depuis 1954, les nombreux jeunes, qui avaient effectué leur service militaire en Algérie, avaient eu le temps de mesurer, et de faire connaître en Métropole, les lignes de fracture qui traversaient l’Algérie française. C’est pourquoi, bien que l’armée française ait gagné la bataille sur le terrain militaire, la majorité des français comprit rapidement que la bataille politique était ingagnable, et que la France devrait tôt ou tard quitter l’Algérie.

Comme pour l’Algérie, les journalistes et les commentateurs politiques furent aveuglés par la réussite de l’armée française, par l’exploit que constitua dans de nombreux domaines l’Opération Serval.

En 2013, non seulement l’immense majorité des Français ne connaissait plus rien de l’Afrique, mais les présupposés idéologiques, qui prévalaient de plus en plus en France, les ont empêché de comprendre la complexité et la difficulté des problèmes à essayer de résoudre au Sahel.

De la Troisième République à la Cinquième République

À la fin du XIXe siècle, les Européens se sont partagé l’Afrique, pour apporter aux Africains les « bienfaits de la modernité ».

En 1883Jules FERRY, ministre des affaires étrangères, allait jusqu’à justifier les conquêtes coloniales en Afrique et en Asie (au Tonkin), au nom du « devoir » qu’avaient les pays riches de venir en aide aux « races inférieures », en leur apportant « la civilisation ».

Depuis le 11 septembre 2001, les Occidentaux ont résolu de combattre le djihadisme en imposant par la force de leurs armées leur modèle démocratique et leurs valeurs.

Pour les Américains et leurs alliés, le XXIe siècle a commencé militairement on ne peut plus mal. Toutes les opérations militaires entreprises se sont soldées par de dramatiques échecs stratégiques accompagnés de catastrophes humanitaires.

Malgré cela, les Occidentaux restent majoritairement et intimement convaincus que la démocratie (modèle occidental) a toujours vocation à devenir universelle. Ils continuent à croire qu’elle est attendue par tous les peuples de la terre.

Après la chute du Mur de Berlin, les Européens sont devenus probablement les plus enclins à le penser.

Tous les Occidentaux qui ont cette conviction oublient un point essentiel, pour que notre démocratie soit attendue, il faudrait qu’elle soit connue et reconnue comme étant idéale. Il faudrait aussi, et surtout, que les démocraties, qui se prétendent les plus abouties, se montrent toutes parfaitement exemplaires.

Or, depuis plus d’une dizaine d’années, les mauvais exemples sont si nombreux, que les responsables politiques Européens sont souvent les plus malvenus pour faire la leçon au monde entier.

Alors que dans le contexte de guerre froide, les relations de l’Afrique avec le bloc de l’Ouest étaient fondées sur la préservation des régimes anti-communistes et la sécurisation des approvisionnements, en général sans réelle considération pour le respect des droits humains et de la démocratie par ces derniers, le 20 juin 1990, dans le cadre de la 16e conférence des chefs d’État d’Afrique et de France, à La Baule-Escoublac, le président  François MITTERRAND annonça dans son discours un grand changement, on le mesure aujourd’hui, un changement trop ambitieux pour devenir réalité.

« La France liera tout son effort de contribution aux efforts qui seront accomplis pour aller vers plus de liberté ; il y aura une aide normale de la France à l’égard des pays africains, mais il est évident que cette aide sera plus tiède envers ceux qui se comporteraient de façon autoritaire, et plus enthousiaste envers ceux qui franchiront, avec courage, ce pas vers la démocratisation… » ; « s’agissant de démocratie, un schéma est tout prêt : système représentatif, élections libres, multipartisme, liberté de la presse, indépendance de la magistrature, refus de la censure…. » ; « À vous peuples libres, à vous États souverains que je respecte, de choisir votre voie, d’en déterminer les étapes et l’allure ».

François MITTERRAND avait une vision passée, ou plus exactement dépassée de l’Afrique, comme l’explique bien un article mis en ligne sur le site de Rfi en 2016 : MITTERRAND l’Africain, entre conservatismes et ruptures. Le président avait fait son premier voyage en Afrique en 1946, et au début des années 1950, sous la IVe République, il avait été ministre de la France d’outre-mer, donc amené à effectuer des missions dans tout l’empire colonial, donc bien sûr en Afrique.

Le président ne connaissait peut être pas bien l’Afrique, mais il la connaissait depuis très longtemps. Il la connaissait suffisamment pour savoir que son discours de La Baule avait toutes les malchances de rester un vœux pieux..

Il faut que tout change pour que rien ne change?

Le président était lucide et savait bien que l’avancée démocratique, qu’il exigeait de tous les pays africains francophones, ne pouvait avoir lieu, ni rapidement ni facilement. Mais ses propos, qui semblaient destinés aux seuls chefs d’État africains, étaient aussi, et peut être surtout, destinés aux Français, qui devenaient de plus en plus demandeurs d’un changement de politique de la France en Afrique.

Depuis que l’on connait les ennuis judiciaires qu’a eu son fils, Jean-Christophe MITTERRAND, conseiller pour les Affaires africaines au cabinet présidentiel de 1986 à 1992, on comprend mieux pourquoi François MITTERRAND a tenu en 1990 le discours de La Baule.

Alors que l’arrivée de la gauche au pouvoir avait laissé espérer sa fin prochaine, la politique trouble et néo-coloniale de la France en Afrique francophone, la Françafrique, instaurée par Jacques FOCCART, et poursuivie encore sous le deuxième septennat du président socialiste, était alors de plus en plus vivement critiquée, tant en France qu’en Afrique.

François MITTERRAND connaissait parfaitement l’étrange influence des francs-maçons en Afrique francophone, qui a illustré l’histoire de la colonisation française pendant plus de deux siècles (création d’une première loge en 1781, à Saint-Louis du Sénégal), et qui continuait au vu et au su de tous.

Il était donc temps pour François MITTERRAND d’annoncer un grand changement de politique en Afrique. Orateur hors pair, il connaissait la puissance de son verbe, mais homme politique expérimenté il connaissait aussi les pesanteurs, les limites, et souvent l’impuissance de l’appareil d’État français.

Homme cultivé et instruit il connaissait Le Guépard de VISCONTI, et savait que s’il ne suffit pas de changer les mots pour changer les choses, on peut en changeant les mots faire accroire qu’on veut changer les choses.

En 1990, malade et souffrant de plus en plus, François MITTERRAND n’aspirait plus à changer la vie, mais il n’aspirait déjà plus qu’à la faire durer.

Alors qu’il était un des hommes les mieux instruit du drame algérien, pour l’avoir vécu aux premières loges, il n’en n’avait, à l’évidence pas tiré beaucoup de conséquences. La posture morale qu’il prit à La Baule, ressemblait, mutatis mutandis, à celle prise par les socialistes au début de la guerre d’Algérie. (voir N° 294 « Guerres justes », morale, et/ou bonne politique ?

On sait que le Général de GAULLE décida de quitter l’Algérie, pour des raisons culturelles, on dirait aujourd’hui « civilisationnelles », mais aussi et surtout pour des raisons démographiques. Comme toutes les séparations, le drame du divorce algérien aurait pu être réduit s’il avait été anticipé et bien préparé.

La démographie, la démographie vous dis-je !

Les propos menaçants de François MITTERRAND à La Baule ne firent sensation, un temps, qu’en France. En 1990, Les exigences formulées par le président français étaient encore si éloignées de ce qui préoccupait en priorité les Africains, que rares sont ceux qui les prirent au sérieux, et encore moins au tragique.

Les chefs d’État africains, les premiers, savaient pertinemment que pour voir dans tous les pays de l’Afrique francophone, élections libres, multipartisme, liberté de la presse, indépendance de la magistrature, refus de la censure, il faudrait beaucoup patienter.

Non pas en raison de la mauvaise volonté, et de l’incompétence des dirigeants africains, mais du fait qu’il était extrêmement difficile, voire impossible, d’organiser des consultations électorales vraiment démocratiques, dont les résultats ne seraient pas contestés, dans des pays multiethniques et multiculturels, où il n’y avait pas, ou peu, d’État, et dont la majorité des électeurs potentiels, notamment les femmes, ne savaient ni lire ni écrire, faute d’avoir pu être scolarisés.

Aujourd’hui, bien que tous les pays de l’Afrique francophone soient officiellement indépendants depuis plus de soixante ans, toujours rares sont ceux qui le sont effectivement devenus. En 2022, l’indépendance des pays africains reste malheureusement souvent une grande illusion, et la France est toujours mise en accusation, non sans raison, pour sa politique néocoloniale en Afrique.

Pouvait-il et pourrait-il en être autrement ?

« La France a abandonné le Mali en plein vol ». Cette accusation du premier ministre malien, Choguel kokalla MAÏGA, proférée devant la tribune de l’ONU le samedi 25 septembre 2021, a été l’occasion pour beaucoup de Français de s’interroger sur les relations entre la France et les pays de l’Afrique francophone depuis qu’ils sont indépendants, et comment ils le sont devenus.

Les plus jeunes ont ainsi découvert que les indépendances de l’Afrique francophone en 1960 étaient nées, non pas dans la guerre comme en Algérie, mais dans une grande précipitation et une totale improvisation. Âgé de 70 ans, le général de GAULLE était de plus en plus convaincu qu’il fallait que la France quitte l’Afrique, toute l’Afrique et au plus vite.

En septembre 1958, trois mois après son retour au pouvoir, le général de GAULLE procéda à la dissolution de l’Afrique équatoriale française (AEF) et de l’Afrique occidentale française (AOF), et créa 14 territoires autonomes. Ces territoires devinrent des États indépendants, 2 ans après.

Présent sur tous les continents, l’Empire colonial français s’étendait à son apogée, de 1919 à 1939, sur plus de 12 millions km2, sur lesquels vivaient en 1936 plus de 69 millions d’habitants, tandis qu’en France métropolitaine la population qui avait perdu  50 mille habitants en 5 ans, passait de 41,55 millions à 41,50 millions.

Pour la gestion de son immense espace colonial, la France ne put jamais s’appuyer que sur des nombres d’administrateurs et de militaires venus de France extrêmement limités.

Comment l’aventure coloniale entamée sous la IIIe République a-t-elle pu durer plus de cinquante ans, avec des effectifs aussi réduits ? On ne sait toujours pas quoi répondre à cette question, en revanche on sait que la folle et criminelle expansion coloniale française, fut le fruit d’un incompréhensible aveuglement collectif.

Il fallait en effet que les Français soient totalement aveuglés par leur sentiment de supériorité pour qu’ils tardent à comprendre que pour des raisons démographiques évidentes, mais aussi pour des raisons économiques et politiques, ils seraient de moins en moins en mesure d’administrer les territoires colonisés.

En 1890, les colonisateurs n’imaginaient probablement pas que la population de certains des peuples colonisés croitrait de plus en plus vite.

Avec le discours qu’il fit à Brazzaville, le 30 janvier 1944, le général de GAULLE montra, le premier, qu’il avait pleinement pris conscience de l’évolution démographique promise à l’Afrique, et des conséquences politiques qu’il fallait en tirer.

On peut voir sur le tableau et le schéma ci-dessus que c’est précisément en 1960 que la croissance démographique du Mali s’est emballée.

Actuellement le Mali est classé troisième pour le taux de fécondité et pour le taux de natalité dans le monde. La France est au rang 104 sur 199 pour le taux de fécondité et au rang 149 pour le taux de natalité. Le taux de fécondité moyen est de 2,41 et le taux de natalité moyen est de 19,60.

Taux de fécondité en 2016 : le Mali classé troisième

Taux de natalité de 2010 à 2015 : le Mali classé troisième

Taux de fécondité en 2016 : N° 104 /199 – Taux de natalité de 2010 à 2015 : N° 149 /199

En 2018, le FMI classait le Mali au rang 120 sur 194 avec un PIB de 17 milliards de $. En 2021, pour le PIB par habitant, il le classait au rang 167 sur 194, pour un PIB par habitant de 927 $. En 2020, selon la banque mondiale le PIB par habitant dans le monde était de 10 925 $.

En 2015 le taux d’alphabétisation, qui correspond au pourcentage des personnes de 15 et plus sachant lire et écrire dans la population, était au Mali de 48% pour les hommes et de 29% pour les femmes.

Notons que dans le monde, en 2012, seuls 15 % des enfants n’étaient pas encore scolarisés dans le secondaire, tandis qu’en Afrique subsaharienne, les non scolarisés représentaient en moyenne 54 % des filles et 47 % des garçons.

En janvier 2013, le Mali a été contraint d’ajouter à la liste de tous les difficultés auxquelles il est contraint de faire face : le terrorisme.

Parmi tous les pays de l’Afrique francophone devenus formellement indépendants en 1960, le Mali est certainement l’un des États qui ont le plus joué de malchance depuis leur création.

Mali : un État mal né, prématuré d’au moins cinq ans.

Le Sénégal et la République soudanaise se regroupèrent en avril 1959 pour former la fédération du Mali, qui accéda à l’indépendance en juin 1960.

En août 1960, deux mois après le départ de la puissance coloniale, le Sénégal se retira de la fédération du Mali et proclama son indépendance. En septembre 1960, la République soudanaise proclama à son tour son indépendance, en conservant le nom de Mali.

Fin 1960, tous les territoires de l’Afrique francophone avaient demandé l’indépendance, que la France s’empressa de leur accorder, trop contente de pouvoir abandonner à leur sort des territoires qui lui pesaient de plus en plus politiquement et économiquement.

Mais, afin que les États tout nouvellement indépendants n’oublient par leur « mère nourricière », la France les mit sous tutelle militaire et financière.

Tous ceux qui connaissaient la réalité de l’administration coloniale avant qu’elle passe sous l’autorité des différents tout nouveaux États nationaux, et qui connaissaient les hommes (aucune femme) qui allaient, sans surprise, se retrouver chefs d’État, étaient les plus inquiets sur ce qui allait advenir des territoires de l’Afrique francophone, une fois qu’ils seraient livrés à eux-mêmes.

En 70 ans, les populations d’Afrique vécurent deux drames et deux traumatismes, leur colonisation brutale, et leur décolonisation bâclée non moins brutale.

La colonisation avait fait voler en éclat les structures et les modes de vie traditionnels, et paradoxalement c’est la décolonisation qui favorisa la poursuite et accélération du travail de déconstruction entamé par la France.

La décolonisation de l’Afrique s’est effectuée dans les pires conditions imaginables.

La fin soudaine et improvisée de l’administration coloniale française, la difficulté, voire l’impossibilité de la remplacer efficacement et rapidement, firent rentrer tous les pays de l’Afrique francophone dans une ère de grand désordre administratif et de grande instabilité politique, qui dans certains des pays nouveaux nés, n’a presque jamais vraiment cessée.

Le 26 août 1958, à Dakar, le général de GAULLE déclara : « Je veux dire un mot, d’abord, aux porteurs de pancartes. Je veux leur dire ceci : Ils veulent l’indépendance. Qu’ils la prennent le 28 septembre ».

À cette date, en entendant les paroles du général, les responsables indépendantistes n’imaginaient certainement pas que la France était prête à leur accorder l’indépendance aussi vite que possible. Et les plus lucides savaient qu’ils n’étaient pas encore assez nombreux à avoir acquis les compétences requises pour pouvoir prétendre gouverner sérieusement.

Si quelques uns gardaient un doute sur leur capacité à gouverner rapidement, presque tous avaient la même certitude, celle de détenir la vérité, d’un point de vue idéologique. Lorsque l’heure de la décolonisation sonna, les rares Africains, qui avaient eu la chance de suivre un long cursus scolaire, avaient suivi le même programme d’enseignement que les élèves de Métropole. Il avaient ainsi appris à rire en récitant : « nos ancêtres les Gaulois », mais aussi appris l’histoire de la révolution française, l’histoire de la révolution d’octobre, l’histoire du 18 brumaire et de Napoléon.

À l’époque en Afrique, comme en France, le communisme exerçait une grande fascination chez les intellectuels et parmi les enseignants. Le système soviétique jouissait alors d’un considérable prestige au près des Africains, qui n’en connaissaient le plus souvent que ce que la propagande communiste leur avait laisser accroire.

Pendant près de 30 ans, nombre d’Africains ont cru que seul le modèle socialiste permettait de répondre à la résolution de leurs problèmes, sous réserve qu’il soit africanisé. C’est pourquoi, jusqu’à la fin du système soviétique de nombreux jeunes sont allés volontiers étudier et se former en URSS, dans tous les domaines civils et militaires.

En pleine Guerre froide, les tout novices chefs d’États africains, qui ont voulu prendre pour exemple le modèle que l’URSS leur vantait après l’avoir imposé aux pays de l’Est de l’Europe, se sont totalement fourvoyés économiquement et géopolitiquement.

Après 1964, bien que les grandes réformes mises en œuvres par le Premier secrétaire du Comité central du Parti communiste de l’Union soviétique, Nikita KHROUCHTCHEV, notamment sa réforme agricole qui s’appuyait sur les théories mensongères de Trofim LYSSENKO, eurent toutes échoué, de nombreux dirigeants africains continuèrent à vouloir tourner leur regard vers Moscou.

En raison de la grande fragilité des appareils d’État, et de leur très faible légitimité démocratique, la plupart des dirigeants eurent le plus grand mal à asseoir leur pouvoir. Pour les Occidentaux, renverser un chef d’État qui n’avait plus l’heur de leur plaire, parce qu’il ne servait pas assez leurs intérêts, était ainsi d’une grande facilité. Les candidats aux coups d’État ne manquant pas, il n’y avait souvent, pour remplacer un président par un autre président, que l’embarras du choix.

Incapables de penser le devenir de l’Afrique francophone à long terme, les divers gouvernements français n’ont jamais vraiment cessé de participer à la valse des présidents africains.

Après une décolonisation précipitée, que l’on sait aujourd’hui bâclée, les Africains n’ont eu le plus souvent que l’apparence de leur souveraineté, le pouvoir de décision ultime restant de fait à Paris.

Le Mali, l’un des États les plus mal nés de l’Afrique francophone, prématuré d’au moins cinq ans, d’après de nombreux Maliens eux-mêmes, a bénéficié de, ou plutôt subi des, programmes de coopérations d’États à États, notamment avec la France et avec divers pays de l’Union européenne, inadaptés à la situation d’un pays à peine en gestation.

La France avait-elle les moyens d’être élégante ?

Pour le grand malheur des Africains c’est au moment précis où ils avaient le plus besoin de la bienveillante assistance du pays qui les avaient administrés jusqu’alors, que la France a dû les abandonner à leur sort, a dû les laissés seuls pour prendre leurs affaires en main.

Cette décision n’a pas été prise de gaité de cœur, car bien que paternalistes, des liens affectifs forts s’étaient noués sous le ciel africain. Mais embourbée dans la guerre d’Algérie, qui n’en finissait pas de se terminer, la France n’avait plus, ni la force, ni la volonté, ni surtout les moyens, de faire face aux obligations que lui faisait l’histoire dans ses anciennes colonies.

Rappelons qu’en 1962, la France a été forcée d’accueillir en quelques mois près de huit cents mille réfugiés venant d’Algérie. Ceci explique qu’à l’heure où les pays de l’Afrique francophone devenaient indépendants, le gouvernement et l’administration française avaient d’autres soucis en tête que celui de transmettre à leurs homologues africains les bonnes pratiques, et de les guider pour faire leurs premiers pas.

Le 28 septembre 1958, dans le cadre du référendum portant sur l’adoption d’une nouvelle constitution française (Constitution de la Ve République), tous les habitants des territoires africains nouvellement créés avaient été consultés sur les liens qu’ils souhaitaient avoir avec la France. En votant OUI, ils acceptaient d’intégrer la Communauté Française, créée pour remplacer l’Union Française. En votant NON ils choisissaient l’aventure de l’indépendance immédiate et totale, c’est-à-dire sans plus aucun lien avec la France.

Seul territoire à avoir voté NON, la Guinée est devenue immédiatement indépendante et a pu adhérer à l’ONU dès le 12 décembre 1958.

Bien qu’ils aient tous voter OUI, tous les autres territoires sont devenus indépendants en septembre 1960, et ont pu devenir membres de l’ONU dès le 20 septembre 1960, sauf le Mali et le Sénégal, le 28 septembre, et la Mauritanie le 27 octobre 1961.

Dès le 16 mars 1961, le gouvernement français constata officiellement la caducité de la Communauté Française.

Si les responsables politiques qui avaient pris alors les rênes du pouvoir avaient pensez à l’avenir de leurs populations, avant de penser à leur avenir personnel, ils se seraient certainement moins pressés de vouloir les tenir seuls, notamment en ce qui concerne les fonctions régaliennes de leur tout nouvel État (justice, police, ordre public et sécurité, diplomatie et affaires étrangères, défense, monnaie et finances).

Au XXIe siècle, porter un jugement sur la façon dont la France a mis fin à son aventure coloniale en Afrique, en méconnaissant les circonstances dans lesquelles cela s’est produit ne permet de porter un jugement ni éclairé, ni éclairant.

Avant d’accuser la France de n’avoir pas fait ce qu’elle aurait dû faire en 1960, il faut se demander ce qu’elle pouvait faire cette année là.

Deux ans avant la crise de Cuba, à l’apogée de la guerre froide, les responsables politiques, faisant partie des trop rares Africains ayant fait des études secondaires, parfois supérieures, aspiraient de plus en plus nombreux à exercer le pouvoir le plus vite possible, à l’invitation de plus en plus pressante d’officines étrangères, prosoviétiques et/ou proaméricaines.

La France devait quitter l’Afrique, c’était acquis. Seul restait à définir le calendrier de son retrait.

Dans le discours sur l’état de l’Union, prononcé en 1949 par le  président des États-Unis Harry S. TRUMAN, le terme « sous-développé » a fait une apparition remarquée. Après que l’expression a été jugée offensante, on l’a remplacée par « en voie de développement », expression remplacée aujourd’hui par « le moins avancé ».

Au début des années soixante, les anciens pays de la Communauté française faisaient assurément partie des pays les moins avancés, mais ils n’étaient malheureusement pas en voie de développement, à cause des freins au développement qu’ils avaient accumulés dans presque tous les domaines, en particulier en ce qui concerne l’enseignement.

En revanche, avec un taux de croissance annuel moyen supérieur à 5% depuis les années cinquante (jusqu’en 1975, année du premier choc pétrolier), la France métropolitaine entra en 1960 dans l’une des périodes les plus dynamiques de son développement.

Pour répondre aux besoins nouveaux de l’industrie et des services, après la Seconde Guerre mondiale, a commencé ce qu’on appelle la « massification » scolaire. Le pourcentage de bacheliers français par tranche d’âge a doublé en dix ans, passant de 5,3% en 1951, à 11,2% en 1961. En 1985, la proportion atteignait 29,4% et 79% en 2017.

En 2012, alors que le taux de scolarisation avait régulièrement progressé depuis l’indépendance il n’y avait toujours que 53% des garçons et 46% des filles scolarisés au Mali, tandis qu’en en France il était supérieur à 97%.

On ne connaît pas le nombre de maliens qui sont devenus bacheliers en 1961, mais on peut l’estimer extrêmement bas puisqu’au Mali le premier lycée n’a été créé qu’en 1950.

On trouve dans le document établi en 1962, en vue de la réforme de l’enseignement, le triste bilan du système éducatif colonial au Mali : Le Lycée au Mali : entre problèmes et réformes (parties I et II)

Le bilan du système colonial  […]est bien maigre après [près de] un siècle de colonisation : « neuf Maliens sur dix ne savent ni lire, ni écrire, 88 enfants sur cent ne vont pas à l’école, les cadres techniques et moyens manquent dans tous les domaines, les cadres supérieurs sont insignifiants, presque inexistants : trois docteurs vétérinaires, une dizaine de professeurs, huit à dix docteurs en médecine, trois pharmaciens, une dizaine d’hommes de Droit, quelques rares ingénieurs, pour une masse de quatre millions trois cent mille citoyens. »

Dans L’enseignement secondaire postcolonial au Sénégal : (1960/1980), une étude publiée en 2016, on apprend que : « Lorsque le Sénégal accède à l’indépendance, le pays dispose du dispositif scolaire le plus développé et le taux de scolarisation le plus élevé (27 %) des anciennes colonies françaises d’Afrique de l’Ouest ». La connaissance du dispositif le « plus développé » permet d’estimer la misère du système éducatif malien.

À la tête d’un empire colonial de plus en plus surdimensionné par rapport à ses capacités d’administrations, par rapport à ses disponibilités financières, et par rapport à ses ressources humaines, la France ne pouvait qu’essayer de divorcer de l’Afrique le moins mal possible. Mais comme chacun sait, seuls les couples qui en ont les moyens peuvent espérer divorcer sans drame et avec élégance. Or, La France n’avait pas les moyens d’être élégante, ni économiquement, ni culturellement, ni géopolitiquement.

À l’heure d’internet, des smartphones, et des trottinettes électriques, les Français, surtout les plus jeunes, ne peuvent imaginer l’état dans lequel se trouvait la France profonde quinze ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale.

La reconstruction de toutes les villes détruites, lors des combats et des bombardements allemands et surtout alliés, était loin d’être achevée. On pouvait dire au sens littéral du terme que la France métropolitaine était, elle-même, en voie de développement, autant pour les équipements collectifs que pour l’équipement des ménages. En 1945, seules 30% des communes rurales disposaient d’un réseau de distribution d’eau potable à domicile. La totalité des Français n’ont bénéficié de l’eau courante à domicile qu’à la fin des années 1980. Ce qui explique qu’en 1970, il n’y avait toujours que 50% des maisons équipées d’une salle de bain. 100% des maisons n’ont été équipées qu’au début des années 2000.

Dans presque tous les domaines, dès le lendemain de la guerre d’Algérie, on nota de très grands changements en France. Le plus remarquable, car le plus visible, fut le remembrement intensif des terres agricoles, commencé dans les années 1960 pour finir en 1980.

De la colonisation

Après 70 ans de présence coloniale, la France espérait probablement pouvoir fonder avec ses anciens territoires en Afrique subsaharienne une communauté organique pour leur développement économique et le sien propre.

Dans le discours que le général de GAULLE prononça à Dakar en août 1958, certains Africains ont voulu voir en filigrane la tentation d’un Commonwealth à la française. En raison des niveaux de développement des nouveaux pays, et des aspirations politiques des responsables politiques africains, cet hypothétique projet se montra rapidement irréalisable.

La chronologie de la dé-colonisation de l’Afrique noire française montre combien les anciens territoires créés lors de la dissolution de l’AOF et de l’AEF étaient impatients de devenir des États indépendants et libres.

Alors que le Sénégal et la République soudanaise s’étaient regroupés en avril 59 pour former la Fédération du Mali, les deux pays accédèrent à l’indépendance séparément, le Sénégal le 20 août, et la République soudanaise le 22 septembre en prenant le nom de Mali.

La Fédération du Mali, qui ne vécut que quelques mois, donne un exemple emblématique d’un des nombreux projets qui ont avortés avant même d’avoir été lancés, bien qu’ils aient été pensés par les Africains eux-mêmes.

L’histoire de la colonisation française est écrite au XXIe siècle par des auteurs qui méconnaissent trop souvent les spécificités des époques, des lieux et des cultures, sur lesquels ils dissertent. Les analyses anachroniques, décontextualisées, conduisent malheureusement à faire de graves contresens.

Par exemple, jaugés à l’aune des conditions sociales de la France d’aujourd’hui, il est évidemment que les travaux forcés, imposés par la colonisation, apparaissent comme une horreur. Mais pour ceux qui ordonnaient ces travaux et qui connaissaient les conditions de travail imposées en France à la fin du XIXe siècle, décrites notamment par Émile ZOLA, cette horreur était probablement relative.

La dénonciation de la colonisation de la fin du XIXe siècle avec un regard de la fin du XXe siècle, nuit à la compréhension des évènements d’hier et à la perception des attentes d’aujourd’hui.

Pour expliquer que la France ait réussi à coloniser en Afrique subsaharienne un espace aussi grand, en si peu de temps, avec si peu de militaires et d’administrateurs, on avance souvent la grande brutalité de la conquête et du système colonial.

Mais contrairement à la conquête de l’Algérie, qui dura plus de 70 ans (18301902), qui fut difficile et d’une extrême violence, la colonisation française en Afrique noire se fit généralement facilement dans les divers territoires, en moins d’une dizaine d’années, plus par la ruse que par la force.

Pourquoi, en Afrique noire, la France a-t-elle pu conquérir plus rapidement des territoires (AEF + AOF = 7,19 millions de kilomètre carrés) d’une superficie totale 3 fois supérieure à celle de l’Algérie (2,38 millions de kilomètre carrés) ?

La thèse de Malek BENNABI est certainement celle qui répond le mieux à cette question. Ce penseur algérien né à Constantine en 1905 et mort en 1973 à Alger, passa le plus clair de sa vie loin de sa terre natale, en France métropolitaine, en Égypte, au Liban et en Syrie.

De retour en Algérie en 1963, à partir de sa riche connaissance des peuples fraichement décolonisés il tire la conclusion que pour cesser d’être colonisé, il faut cesser d’être colonisable. Malek BENNABI est le créateur du néologisme «colonisabilité » (voir les grandes lignes du concept).

« J’ai condamné toujours la colonisation comme un acte de barbarie. […] La colonisation fait partie de l’histoire française. C’est un crime contre l’humanité. […] En même temps, il ne faut pas balayer tout ce passé et je ne regrette pas cela parce que – il y a une jolie formule qui vaut pour l’Algérie – la France a installé les droits de l’homme en Algérie, simplement elle a oublié de les lire. »

Cette déclaration que fit Emmanuel MACRON, futur président de la République, lors de l’interview qu’il accorda à la chaîne privée algérienne Echourouk News lors de son voyage en Algérie le 14 février 2017 fit débat dès qu’elle fut connue en France : colonisation : un crime contre l’humanité ?

Le concept de crime de guerre est très ancien. Crime contre l’humanité et génocide, sont par contre des incriminations qui n’ont été créées qu’en 1945. Mais malheureusement par commodité de langage, les responsables politiques tendent à vouloir faire une incrimination de moins en moins différenciée de ces trois crimes.

Durant ses 130 ans de présence sur le sol algérien l’armée française a commis des crimes de guerre indéniables car parfaitement documentés. Mais en revanche, la France ne peut être accusée de génocide, ou alors le mot ne veut plus rien dire.

Durant la colonisation française la population maghrébine a été multipliée par trois.

Il n’y a probablement eu dans les colonies française ni pratiques ni projets qualifiables au sens strict de génocidaires.

Notons que ni les pratiques, ni les projets génocidaires, dont la France est accusée dans ses colonies, ne sont avérés, tandis que le génocide vendéen reste toujours contesté, alors qu’il est acquis aujourd’hui qu’en Vendée sous la Terreur s’il n’y a pas eu génocide, ça y ressemble !, comme au début du XXe siècle en Turquie : soykırım olmadıysa da bu ona benziyor !

Il est un fait plus surprenant encore. Plus les recherches avancent, plus le génocide des Indiens d’Amérique du Nord apparait comme le génocide le plus massif et le plus accompli de l’histoire de l’humanité. Alors que les Amérindiens n’étaient plus que 500 mille en 1930, on estime aujourd’hui qu’en 1492 ils étaient plus de 50 millions. Malgré la monstruosité de ce crime imprescriptible, les descendants de ceux qui l’ont commis ont l’impudence de s’ériger en juges du bien et du mal dans le monde.

Au XXIe siècle, on sait que l’abolition de l’esclavage en 1848 n’a en rien arrêté l’assujettissement des populations colonisées par la France en Afrique noire. On sait comment l’abolition de l’esclavage a légitimé le travail forcé. On sait comment des armateurs français, avec l’assentiment explicite des rois de France, ont été des acteurs zélés du commerce triangulaire pendant plus de deux siècles. Tous ces crimes sont aujourd’hui parfaitement connus, reconnus et unanimement condamnés.

On constate malheureusement que la culpabilité de ceux qui ont été les complices de ces crimes contre l’humanité, jusqu’au cœur de l’Afrique, est de plus en plus méconnue, voire délibérément oubliée, ou pire farouchement niée.

Une vision tronquée de l’histoire, ne permet pas de comprendre l’histoire.

De même que le commerce triangulaire n’aurait jamais pu prendre l’ampleur qu’il a prise sans la collaboration de nombreux chefs africains, la colonisation française en Afrique n’aurait jamais pu être aussi rapide sans la collaboration de nombreux Africains.

Il subsistent en Afrique environ 1 500 langues parlées. Dans chacun des 55 pays africains on compte au moins une douzaine de langues en plus de la langue officielle. Ces diversités linguistiques croisaient avant la colonisation, et croisent encore, les diversités ethniques.

C’est en jouant sur les rivalités interethniques (inter-linguistiques), comme le fit Louis Léon FAIDHERBE lors de la conquête du Sénégal (18541865), que la France réussit à imposer sa présence sur le continent africain.

Avant que les colons ne débarquent il y avait en Afrique des peuples dominés, en servitude ou esclaves, des peuples dominants et des peuples dominateurs.

Les dominants et encore plus les dominateurs tentèrent de s’opposer à l’arrivée des Français dans des combats perdus d’avance, en raison de l’asymétrie de la puissance des armes. En revanche, les populations dominées animistes, furent vite convaincues que la colonisation pouvait être l’occasion unique pour eux, de s’affranchir de douloureuses tutelles multiséculaires.

Parmi les arguments que mettent en avant les défenseurs des côtés positifs de la colonisation, l’interdiction de l’esclavage est toujours citée en premier.

L’interdiction de l’esclavage dans les territoires colonisés africains fut effectivement édictée formellement en 1905, mais pratiquement elle ne prit que très lentement et très partiellement effet, avec une très notable différence entre les régions proches de la côte et les régions les plus enclavées, pour lesquelles certains ethnographes considèrent qu’elle n’est toujours pas respectée.

En 2018, l’esclavage en Mauritanie n’avait toujours pas disparu, et les Bellas, censés être affranchis depuis l’époque coloniale semblaient être parfois encore victimes d’esclavage au Mali et au Niger.

Vivre ensemble

Au moment où nous écrivons ce chapitre [25 mars 2022], la guerre en Ukraine et les troubles en Corse, viennent rappeler aux Français que l’Histoire est tout sauf un long fleuve tranquille. Les Ukrainiens combattent pour préserver leur toute récente indépendance, et les Corses manifestent pour obtenir la leur.

Les Ukrainiens ont fait Empire commun avec les Russes pendant plusieurs siècles, la Corse fait nation avec la France depuis plus de deux siècles. Les Ukrainiens parlent encore russe pour la plupart d’entre eux et les Corses parlent tous français. Pendant plus d’un siècle, les Ukrainiens ont été scolarisés comme les Russes l’ont été, et tous les Corses ont pu recevoir la même instruction que les Français du continent.

Les exemples ukrainien et corse montrent qu’avoir un long passé commun, culturel et historique, ne suffit pas pour que le suffrage universel, à lui seul, apporte la paix.

Depuis 1963, depuis la publication de l’encyclique Pacem in Terris, un grand nombre d’Occidentaux se sont persuadés que la paix universelle était accessible, sous réserve de remplacer la logique de l’ancienne locution latine, si vis pacem para bellum par une nouvelle logique, si vis pacem para pacem.

En Europe leur message a été largement entendu. « Le vivre ensemble » qu’on invoque si souvent aujourd’hui, procède de cette conviction simple, sinon simpliste, que pour vivre ensemble il suffit de vouloir vivre ensemble. Malheureusement on sait que l’on peut être ensemble sans être ensemble.

Le message de l’association « Graines de Paix » qui se veut iréniste, est surtout irréaliste.

Vivre-ensemble :

Capacité et assentiment des habitants, dans un environnement de diversité sociale et culturelle, à partager harmonieusement leur lieu de vie.

Bien-vivre ensemble :

État d’harmonie atteint par les habitants vivant dans un environnement de diversité sociale et culturelle, lorsqu’ils développent avec succès une culture de paix entre eux, comprenant le respect et l’appréciation mutuels, le bon voisinage, des relations coopératives et un désir commun de paix et d’apaisement.

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Le 3 octobre 2018, au cours de son allocution de départ du ministère de l’intérieur, dont il venait de démissionner, Gérard COLLOMB, déclara : « Aujourd’hui, c’est plutôt la loi du plus fort qui s’impose, des narcotrafiquants, des islamistes radicaux, qui a pris la place de la République. […] Aujourd’hui, on vit côte à côte ; je crains que demain on ne doive vivre face à face ».

Les Français qui arrivent encore « à voir ce qu’ils voient », ont approuvé cette déclaration, car ils craignent de plus en plus nombreux que la société multiculturelle idéalisée qu’on leur vante ne conduise à la guerre de tous contre tous.

De la colonisation à l’indépendance

Au XXIe siècle le multiculturalisme est devenu de plus en plus problématique en Europe en général, et en France en particulier.

Pour le géographe Christophe GUILLUY, le repli identitaire que l’on constate dans la plupart des pays européens est une conséquence logique du modèle multiculturel, arrivé dans les bagages de la mondialisation. Il note qu’en France « La société multiculturelle est profondément paranoïaque ».

Au XXe siècle en Afrique, la colonisation avait permis de modérer, de mettre entre parenthèses, les rivalités interethniques et interculturelles les plus anciennement installées.

Si en 1960, les plus vieux colons africanistes se montrèrent si réservés sur l’allure que prenait la politique du général de GAULLE en Afrique noire, ce n’était pas parce qu’ils voulaient préserver à tous prix leurs privilèges, mais avant tout parce qu’ils savaient que les nouveaux pays en gestation n’étaient pas armés pour prendre une indépendance rapide, et encore moins prêts pour faire un usage éclairé du suffrage universel.

On fait couramment le reproche à la colonisation d’avoir découpé l’AEF et l’AOF en 14 territoires sans tenir compte de la répartition et de la diversité des populations. En raison du grand nombre de populations distinctes et de leurs cohabitions entremêlées il était certainement difficile de faire moins mal, même en prévoyant de créer trois fois plus de pays.

Il faut noter que ce reproche émanaient surtout de gens qui connaissaient peu la complexité africaine, et noter que le tracé des frontières n’a pas été remis sérieusement en question par les responsables politiques à la tête des nouveaux États.

On voit ci-dessus combien la carte de l’ancien Empire du Mali, et celle de l’ensemble actuel Sénégal-Mali se recoupent en très grande partie, à l’exception d’une bande de quelques 200 kilomètres au sud de la Mauritanie. On voit aussi que le tiers nord du Mali, la partie au nord du Niger et au nord de Tombouctou, peuplée de Touaregs musulmans, n’a jamais fait partie de l’Empire du Mali (ou Empire mandingue), fondé au XIIIe siècle par Soundiata KEITA.

Dans l’empire mandingue, la religion officielle était l’Islam. Tous les empereurs étaient musulmans, mais la plupart de leurs sujets étaient animistes et le restèrent jusqu’à l’arrivée des missionnaires.

Les empereurs n’eurent jamais la volonté de convertir l’ensemble de la population à l’Islam, car dans la société médiévale malinké, le commerce des êtres humains non musulmans, seul autorisé par le Coran, fut longtemps la source la plus importante de leurs revenus.

Alors que le Sénégal et la République soudanaise avaient toutes les raisons historiques et économiques d’unir leurs forces à l’heure de l’indépendance, les Sénégalais et les Maliens ont malheureusement échoué à créer la Fédération du Mali.

Parmi les très rares responsables politiques africains ayant un minimum de compétence pour prétendre exercer le pouvoir, les ambitions personnelles étaient trop fortes, pour qu’un prétendant accepte de s’effacer devant un concurrent, fut-il plus talentueux.

                        Léopold Sédar SENGHOR                                      Modibo KEÏTA                                   L. S. SENGHOR

Le général de GAULLE, savait combien il était difficile de diriger son cher et vieux pays pourtant multiséculaire, et il n’avait certainement pas oublié combien il avait fallu de temps pour que les Bourguignons, les Armagnacs, les Bretons, les Normands, … fassent nation commune.

C’est donc en pleine conscience des difficultés que ne manqueraient pas d’avoir les États africains nouveaux nés, que le président français a tenu à leur accorder l’indépendance. Comme nous l’avons évoqué supra, le général de GAULLE était convaincu que cela ne servirait à rien de surseoir à une décision qu’il pensait inéluctable, tant pour des raisons de politique intérieure que de politique extérieure.

Mais, contrairement à ce qu’il avait exigé pour la Guinée après son vote NON au référendum de 1958, dans le cas des 13 pays à venir, il n’était plus question d’inviter les administrateurs coloniaux et les techniciens français à partir dès le jour de l’indépendance. Bien au contraire tous étaient invités à mettre en place des programmes d’assistance et de coopération pour aider ces jeunes États à prendre leur envol.

Créée par référendum constitutionnel le 28 septembre 1958, la Communauté française, l’association politique entre la France et son empire colonial, fut déclarée caduque dés le 16 mars 1961, mais les dispositions de la Constitution relatives à la Communauté ne sont officiellement abrogées qu’en 1995.

Il aura donc fallu moins de 3 ans aux dirigeants français pour comprendre que le projet de communauté n’était pas viable, mais il leur aura fallu 37 ans pour l’abandonner définitivement.

Cela montre qu’en créant une communauté politique le général de GAULLE espérait vraiment créer une communauté de destin, et que la déclaration de caducité du projet n’a nullement signifié un désintérêt pour le devenir des anciens territoires français en Afrique.

Comment aurait-ce pu être le cas ? Comment un chef d’État responsable aurait-il pu se désintéresser du futur de 13 nouveaux pays ? Ne serait-ce que, parce que susceptibles de voter à l’ONU avec ou contre la France ?

En raison de la connaissance qu’ils avaient de la réalité de la situation, les mieux informés avaient la faiblesse de penser que les nouveaux chefs d’États africains, se contenteraient de l’apparence et du prestige du pouvoir. Raisonnant comme des moniteurs d’autoécole, ils rêvaient d’une gouvernance accompagnée.

En septembre 1960, les Africains n’avaient certainement pas encore acquis la manière de gouverner, mais les Français, eux, n’avaient toujours pas la manière, ni de les comprendre ni de leur parler. À peine sortie de l’humiliation de la colonisation, les dirigeants néophytes africains ont vu venir, avec effroi, l’humiliation d’une longue et insupportable tutelle.

L’incompréhension marqua la coopération française en Afrique dès sa création. Comment les coopérants français auraient-ils pu répondre à l’attente d’Africains qu’ils connaissaient si mal, faute d’avoir jamais sérieusement cherché à les connaître.

Les Occidentaux en général, et les Français en particulier, se sont beaucoup et longtemps gaussés d’une bévue commise en Afrique par l’URSS

En 1984 dans Le Monde on trouvait encore un article rappelant le premier échec de  Moscou en Afrique.

Seul pays de l’Afrique francophone à opter pour l’indépendance dès 1958, la Guinée s’est tournée vers les pays socialistes et, en particulier, vers l’URSS, autant pour briser son isolement économique que par conviction idéologique. Cette antériorité lui a donné le privilège de constituer aussi le premier échec de Moscou en Afrique. La méconnaissance du continent et l’inadéquation de l’aide proposée ont donné lieu à des situations ubuesques, devenues la caricature de la présence soviétique dans le tiers-monde, tels ces chasse-neige débarqués des avions gros porteurs soviétiques sur l’aéroport de Conakry…

À Paris on n’a jamais songé à envoyer des chasse-neige en Afrique subsaharienne, encore heureux, mais malheureusement en matière d’équipements coûteux et inutiles on s’est montré aussi imaginatif qu’à Moscou.

Preuve en est, tout ce que les Africains ont dû tristement remiser au cours du temps faute de pouvoir, ou de savoir, s’en servir.

On peut reprocher aux gouvernements français successifs d’avoir mal conçu et mal élaboré, les programmes de coopération FranceAfrique, mais ont ne pas les accuser d’être restés indifférents au sort de leurs anciennes colonies.

Entre 1959 et 1981, sauf d’avril 1973 à mai 1974 dans le second gouvernement de Pierre MESSMER, il y a toujours eu pour la coopération un ministre de plein exercice, indépendant du ministre des affaires étrangères.

De 1981 à 1998, il pouvait relever du ministre chargé des affaires étrangères ou être autonome, mais avait sa propre administration.

À partir de 1999, les services chargés de la coopération et du développement furent intégrés à ceux du ministère des affaires étrangères.

La fonction ne figure plus explicitement dans l’intitulé d’un poste ministériel., que depuis 2017.

Dans le premier gouvernement de la Ve République, celui de Michel DEBRÉ, Félix HOUPHOÜET-BOIGNY figura comme ministre d’État, second dans l’ordre protocolaire jusqu’en mai 1961, alors que du 1er mai 1959, au 3 novembre 1960 il était premier ministre de Côte d’Ivoire, et que le 27 novembre 1960 il était devenu président.

La Côte d’Ivoire a eu la chance insigne d’avoir à sa tête pendant plus de 30 ans un responsable politique connaissant les rouages d’un État moderne avant d’accéder à la charge suprême dans son pays.

L’exemple de la Côte d’Ivoire et celui du Sénégal présidé par Léopold Sédar SENGHOR, de 1960 à 1980, montrent combien la bonne connaissance réciproque des partenaires est essentielle pour la réussite d’une coopération.

La coopération d’État à État, trop souvent un puits sans fond

Les responsables des programmes de coopération bilatérale du Quai d’Orsay sont peu enclins à parler de leur vie professionnelle, car ils craignent que la connaissance des limites et de certaines failles de leurs activités n’incite à leur remise en question, voire à la demande de leurs surpressions.

En 1968, face à un grand amphithéâtre bondé et enfumé, après une longue intervention enflammée, un jeune professeur de Médecine lança, à ses étudiants gagnés par l’air du temps, en guise de conclusion : « La Faculté de médecine de Montpellier est la plus vieille du monde, et cela se voit ! ».

Au XXe siècle ont pourrait reprendre cette déclaration en visant la diplomatie française.

Parmi les États possédant les plus anciens et les plus importants réseaux diplomatiques du monde la France se classe troisième : classement des États du monde par indice de diplomatie.

Pour l’indice de diplomatie par habitant, la France devance largement tous les autres États, en excluant bien sûr le Vatican.

État de l’analyse le 29 mars 2022

La coopération d’État à État, de la parole aux actes!

La coopération décentralisée seule durable

Le 15 août 2022, au Mali la France met fin à une mission impossible

[Le 17 août 2022, 23H00, J-M. R., Alet-les-Bains] : À la relecture et en son état actuel, plus étendu que lors de ma première lecture, cet article, je le trouve finalement bien négatif dans sa tonalité dominante et un peu trop porté par l’air du temps. Sur tous les continents et entre tous les peuples, les phénomènes de colonisation ont existé, avec ou sans idéologie autre que celle de la domination et de l’extension d’une domination d’un peuple plus dynamique ou plus nombreux sur d’autres plus passifs ou moins nombreux, ou encore porté par l’expansionnisme d’une religion se voulant supérieure et exclusive de toute autre. On ne va pas faire l’inventaire de ces phénomènes, en Asie, en Amérique du Nord comme Centrale ou du Sud, avant même l’arrivée des Européens.

Et cela a aussi existé en Afrique avec les différents empires autochtones. Si l’on compare les colonisations européennes, la française n’a pas été pire que les autres et notamment que les anglosaxonnes (voir États-Unis, Australie, Nouvelle-Zélande). Qu’il y ait eu des pages sanglantes, des séquences de duplicité, de la rudesse aussi dans la gestion des territoires, personne ne le nie mais cela existait aussi dans le cadre des expansionnismes locaux d’avant l’arrivée des Européens qu’il est de bon ton d’accabler. En omettant, comme trop souvent, la traite arabe et ses atrocités quand on évoque surtout la traite européenne, chacune ayant eu ses fournisseurs africains eux-mêmes esclavagistes.

Ayant vécu 23 ans en Afrique en divers pays et connaissant presque tous les pays d’Afrique francophone, je peux quand même témoigner de certaines réalités que la critique contemporaine ignore : le travail forcé était parfois commandé par des administrateurs jouant les satrapes sur leurs territoires d’administrations, mais il faut reconnaitre aussi que beaucoup d’administrateurs d’outremer avaient choisi ce métier par amour pour l’Afrique et d’autres pour l’Asie ; qu’ils avaient reçu une formation de qualité pour cela. Certains d’entre étaient d’ailleurs aussi africains, j’en ai connu.

Et le travail « forcé » ou obligatoire avait aussi pour but, par exemple, l’entretien de pistes et de routes utiles à tout le monde et pas seulement aux colonisateurs ; les « greniers de l’administrateur » où celui-ci, dans les pays du Sahel, obligeait les villages à mettre en réserve des grains pour assurer la soudure entre les périodes de récolte et de consommation puis pour réserver la part de semences nécessaire aux plantations de l’année suivante, ces greniers peut-être obligatoires se faisaient dans l’intérêt des populations pour éviter des famines et assurer la pérennisation de l’agriculture.

J’ai eu personnellement l’occasion d’entendre des Africains de tous niveaux sociaux regretter, même longtemps après les indépendances, le temps de la colonisation, me disant par exemple : « Les administrateurs blancs, ils étaient parfois sévères mais ils étaient justes : si tu avais droit à quelque chose, tu l’obtenais sans qu’on te balade d’un service à un autre jusqu’à ce que tu paies un matabiche  ! (autrement dit un bakchich, en français plus courant) ». J’ai aussi entendu, en pleines réunions de hauts cadres africains venus de divers pays, certains soulever devant leurs pairs, sans que ceux-ci protestent, la réflexion suivante : «  je me demande si nous, Africains, nous n’aurions pas besoin d’être recolonisés pendant quelque temps pour remettre nos pays sur les rails dans de meilleures conditions ».

Ce qui, ainsi dit, confirme les propos de l’article que nous commentons sur les indépendances octroyées de façon trop précipitée. Personnellement encore, moi-même en tant que coopérant, mais pas mal de mes confrères aussi, avons fait équipe en très bonne entente avec nos collègues africains, défendant avec eux les intérêts de leurs pays respectifs et sans arrière-pensées néocolonialistes ; j’ai vu des entrepreneurs français développer des activités industrielles importantes, pour leur fortune personnelle, certes, mais aussi au grand bénéfice de l’économie de leur pays d’adoption (et je pourrais citer des noms, car je parle concret). Et, en divers pays, j’ai eu affaire à des fonctionnaires africains formés du temps de la colonisation qui fonctionnaient avec plus de rigueur et de conscience professionnelles que certains formés après les indépendances.

S’il y a eu un grand défaut des programmes de coopération française, c’est celui de n’avoir pas traité nos partenaires institutionnels africains sur un pied d’égalité dans la mise en œuvre des contrats de partenariats conclus avec leurs administrations et services, comme nous le faisons entre contractants européens : même si le contrat était inégal dans les apports respectifs (nous mettons 80% , vous mettez seulement 20% du budget), il aurait fallu qu’il soit soumis à des séquences d’évaluation périodiques, avec contrôle strict de l’emploi des fonds octroyés et sanction en cas de défaillance du partenaire.

Cela aurait été à la fois une marque de respect pour le partenaire africain et un apprentissage de la rigueur pour une bonne gestion des programmes et des projets. Au lieu de cela, on a laissé s’installer un grand laxisme dans la gestion de ces opérations, facilitant le détournement de fonds, l’emploi des équipements à des fins personnelles plutôt qu’à celles qui avaient été contractualisées. Avec pour résultat, des véhicules et autres équipements, techniques ou de gestion, rapidement hors d’usage par défaut  d’entretien (et utilisation abusive), donc mis au rencart (parce qu’on n’avait pas budgétisé les coûts d’entretien) et remplacés par d’autres qui subissaient rapidement le même sort.

A mon avis, c’est là le plus gros défaut de la post-colonisation française (voulu  ou fortuit par manque de rigueur pour ne pas avoir l’air néo-colonialiste?) et de notre coopération avec l’Afrique indépendante. Par comparaison, j’ai vu dans des pays qui furent avant la France colonisé par l’Allemagne, des services continuant à fonctionner avec la rigueur et la discipline allemande pourtant reléguée loin dans le passé : des bureaux impeccablement tenus dans des bâtiments coloniaux anciens toujours bien gérés ; des agents fermant leur bureau à clé même s’ils s’en absentaient pour dix minutes ; des couloirs où l’on aurait pu manger par terre tant ils étaient régulièrement astiqués. Je ne donnerai pas les noms de ces lieux pour ne pas chagriner les autres. Tout ceci est peut-être trivial et sans hauteur de vue philosophique ni moralisatrice mais vise à témoigner du fait qu’en dehors des grands principes et des jugements radicaux, la réalité vécue comporte de nombreuses nuances au quotidien.

Quant à la démographie africaine, elle témoigne tout de même du fait que les services de santé coloniaux, loin d’avoir contribué à des génocides dans ces divers pays, ont quand même sauvé pas mal de vies, éradiqué pas mal de maladies endémiques et posé les bases et conditions de l’explosion démographique actuelle. N’oublions pas non plus les analyses documentées de notre ami Ilyes ZOUARI et de son CERMF (cité sur notre site d’ICEO) qui dit quand même qu’actuellement ce serait l’Afrique francophone qui serait dans la meilleure posture en termes de développement économique, avec les meilleures perspectives de dynamisme pour un avenir proche. Il n’y a donc pas que du pire, tant dans le passé que dans l’avenir prévisible.

[Le 16 août 2022, 17H50, JC. G., Lons-le-Saunier] : Excellent article qui mériterait une diffusion dans un grand organe de presse, tant sa documentation est riche et son argumentation solide. Mais dans le premier sous-paragraphe du paragraphe  » La démographie, vous dis-je  » il est écrit :  » rare sont ceux… »; il faudrait écrire  » rares sont ceux « . Broutille pour un travail aussi sérieux.

 
ICEO : merci pour votre aimable remarque , correction effectuée

[Le 31 mars 2022, 15H55, O. D., Bamako] : Comme promis hier, je reviens vers vous après lecture de l’article. Je tiens tout d’abord à féliciter le ou les auteurs de cette publication, d’une grande portée historique, suffisamment documentée avec des analyses pertinentes. Compte tenu de l’urgence, je ne pourrai pas argumenter les propos qui vont suivre car ils représentent mon sentiment/appréciation comme vous me l’avez demandé.

  • Le titre de l’article « Le Mali : quel gâchis » : je m’attendais à voir le déroulé/éléments de ce gâchis et si possible indexer les causes/responsables de cette situation par rapport à l’époque contemporaine. En annoncant cela, je précise que je n’occulte pas le fait que certaines explications/justifications ont des origines/portées historiques. J’ai la conviction que des éléments probants d’aujourd’hui peuvent nos édifier sur l’ampleur de ce gâchis sans aller à l’histoire de chasse neige ou d’échec du communisme/socialisme russe. Citation de l’article : « Une vision tronquée de l’histoire ne permet pas de comprendre l’histoire ».
  • L’article embrasse tellement d’aspects que leur amalgame entraine souvent des contradictions/antagonismes entre certaines hypothèses/thèmes (esclavage, colonisation/décolonisation, sociologie de l’époque coloniale africaine, indépendance de l’afrique, gestion du pouvoir par les prémiers présidents africains).
  • Une lecture fine amène à noter une justification/valorisation et de l’esclavage et de la colonisation.
  • A la lecture de cet article, je suis passé par plusieurs sentiments : tristesse, colère/révolte et apaisement/soulagement. Du 18ème au 21ème, que s’est-il passé? Qu’est ce qui a changé? Une  phrase de l’article résume éloquemment la vérité/réalité : « Il faut que tout change, pour que rien ne change ». Tel est l’ADN du « vivre ensemble »de nos sociétés.
  • En qui concerne le Mali, ma conviction est que nos prédécesseurs notamment le président Modibo Keita a voulu et désiré l’indépendance pour notre pays pour le bonheur et l’honneur des maliens et non pour des intérêts égoïstes et personnels. C’est pourquoi, il a créé une industrie locale pour la transformation de nos matières premières et la disponibilité des produits (alimentaires et équipements) de première nécessité. La reforme du système éducatif a abouti à la création de grandes écoles pour former des ingénieurs (École Nationale d’ingénieurs, Polytechnique Rurale de Katibougou), des administrateurs et économistes (École Nationale d’Administration), des Infirmiers et Sage-femmes, de médecins et pharmaciens (École Nationale de Médecine). Ces écoles ont fait notre fierté et celle de l’Afrique tout entière car des apprenants venaient de tout le continent. Que voyons nous aujourd’hui, trente ans après l’avènement de la démocratie et le Sommet de la Baule, un système éducatif inexistant dont sortent des diplômés sans niveau et qui ne correspondent en rien au besoin du marché du travail. En écrivant cela, je ne remets pas en cause la vision démocratique africaine du président Mitterrand. De Gaule à Macron, la France est restée égale à elle-même ; Elle n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts dixit De Gaulle,
  • A nous africains de prendre nos destins en main, de nous adapter à l’adversité et de lutter pour notre survie et notre développement.

Mes salutations les meilleures

[Le 29 mars 2022, 15H35, JM. R., Alet-les-Bains] :  Je suis allé plusieurs fois au Mali, en missions de formation administrative, j’y ai connu beaucoup de Maliens et sympathisé avec eux. J’ai aimé ce pays, bien connu Bamako, Ségou, Djenné, Bandiagara et le pays Dogon. En pirogue sur le Niger à Mopti au mois de juin, j’y ai pris un superbe orage de grêle sur la tête. A cette époque-là, dans les deux dernières décennies du 20e siècle, dans un pays paisible et accueillant, je ne pensais pas voir dans cet orage, si surprenant sous cette latitude, un avertissement prémonitoire des tristes évènements de ces deux premières décennies du 21e siècle et de ce sinistre début d’année 2022. Un bien triste gâchis en effet !

La France part, mais tous les Français qui ont eu la chance de pouvoir nouer des liens d’amitiés très forts avec les Maliens, leur gardent toute leur estime et leur affection.