N° 161 Divorce : vérité du couple -Brexit : vérité de l’Union européenne

Les Anglais ne font rien comme les autres et c’est à ça qu’on les reconnaît. Curieusement,  les anglophones qui parlent la même langue qu’eux sont souvent les derniers à le découvrir

Pour une surprise, ce fut une sacrée surprise. Dix jours avant le vote, personne n’imaginait vraiment sérieusement que  le scenario « catastrophe », dépeint  par Arnaud LEPARMENTIER dans son article du journal Le Monde, ne serait pas fictif mais qu’il deviendrait bel et bien réalité.

« Londres, vendredi 24 juin [2016]. À 6 h 07, une clameur retentit sur Trafalgar Square. Boris JOHNSON apparaît devant ses supporteurs en liesse, qui agitent des Union Jack. La tignasse plus en bataille que jamais, le héraut du « Brexit » fait le « V » churchillien de la victoire. « Mes amis, je vous l’avais promis : nous reprenons enfin les commandes de notre formidable pays, lance-t-il. Je proclame aujourd’hui l’an I du Royaume-Uni indépendant ! » Des députés que l’on n’avait guère entendus pendant la campagne font soudain allégeance à « Boris », qui vient d’envoyer au tapis son ami d’enfance et de parti, David CAMERON ». Lire la suite de l’article

VIDEO : Comme « 95% des bookmakers », Daniel COHN-BENDIT prédit que le Royaume-Uni restera dans l’UE

Jeudi 23 juin 2016 à 19 H15, le soir même du scrutin, quelques dix petites heures avant les résultats,  l’un des plus médiatiques « experts » en matière de politique européenne,  l’ancien député européen, Daniel COHN-BENDIT, continuait à faire confiance  aux bookmakers britanniques, qui pariaient sur la victoire du maintien du Royaume-uni dans l’Union Européenne   

L’ex-homme politique, invité de l’émission « C à vous », allait jusqu’à proposer ses chiffres sur les probables résultats du scrutin du jour :« Je crois que la différence sera un peu plus importante que prévu : 53 à 55% pour le maintien contre 43 à 45% » pour la sortie dans l’UE« .

Et d’ajouter dans un large sourire  : « C’est une intuition, bien sûr, parce qu’en fait, le vote, quoi que l’on dise (…), c’est le passé contre l’avenir, et moi, je suis quelqu’un qui est tourné vers l’avenir, c’est l’avenir qui gagne ».

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Horresco referens – Je frémis en le racontant

QUESTION à Daniel COHN-BENDIT pour finir :  Boris JOHNSON, vous le connaissez ?

RÉPONSE : Alors là si vous voulez un cauchemar, si vous voulez qu’on dorme mal.  Le Brexit gagne et Boris JOHNSON devient premier ministre. Et TRUMP gagne les élections présidentielles …

Alors la c’est la totale !

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Bien cauchemardé : ce fut la totale, Brexit and the rest !

Vendredi 24 juin le résultat est sans équivoque : le Royaume-Uni a choisi de mettre fin à 43 années d’appartenance à l’Union européenne. Le camp du « Leave », favorable à la sortie du Royaume-Uni de l’UE, l’a emporté avec 51,9 %, contre 48,1 % pour le « Remain », camp pro-européen. La participation atteint 72,2 %, soit plus que le taux de participation pour les législatives de 2015 (66 %). 263 circonscriptions ont voté pour la sortie et 119 en faveur du maintien dans l’UE.

Persuadés que la partie n’était pas finie, refusant d’admettre la défaite de leur camp, convaincus que le vote serait remis en cause, as usual,   tous les analystes pro-Union européenne ont  immédiatement tenu à souligner que le vote « leave » était le vote des vieux et que le vote « remain » était le vote des jeunes.

« Ce n’est pas un divorce à l’amiable mais après tout ce n’était pas non plus une grande relation amoureuse« . Le Luxembourgeois Jean-Claude JUNCKER a mis les pieds dans le plat, vendredi soir lors de son passage à la télévision allemande ARD. Le président de la Commission européenne n’a pas mâché ses mots à l’encontre du gouvernement britannique, qu’il veut mettre face à ses responsabilités.

« Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement britannique a besoin d’attendre jusqu’au mois d’octobre pour décider si oui ou non il envoie la lettre de divorce à Bruxelles. J’aimerais l’avoir immédiatement« , a-t-il insisté.

Martin SCHULTZ, a aussi jugé « scandaleux » le choix de M. CAMERON, estimant qu’il prenait « tout le continent (européen) en otage« .

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2020, après plus de 3 ans d’actions dilatoires « game over » ?

Le vendredi 13 décembre 2019  au matin, le triomphe apparait total pour Boris JOHNSON. Le premier ministre sortant a remporté une écrasante victoire aux élections législatives du jeudi 12 décembre. Il a obtenu 365 sièges sur 650.

C’est dur la démocratie, mais c’est la démocratie ! Tous les démocrates de l’Union européenne, attachés au respect sourcilleux du suffrage universel, savent cela, ou plus exactement devraient savoir cela.

Depuis 2016, les électeurs britanniques ont eu 3 fois l’occasion de déclarer leur volonté de rester ou de quitter l’Union européenne. Lors du référendum de juin 2016, lors des élection législatives de décembre 2019 et lors des élections européennes de mai 2019, dont certains voudraient oublier les résultats.

Les commentateurs politiques opposés au Brexit n’ont eu de cesse de répéter que les jeunes Britanniques étaient très attachés à l’Union européenne.  On a quelque mal à le croire à la lecture des résultats des élections européennes, pour lesquelles seuls 37 % des électeurs se sont déplacés pour aller voter, alors que la participation moyenne européenne fut de 50 %, et que le parti sorti largement en tête avec 31 % fut celui de Nigel FARAGE, le plus brexiter des brexiters.

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Malgré 3 votes, les Européens n’arrivent pas à se faire à la rupture

Depuis 2016, les Européens ont tout fait pour convaincre les Britanniques que, non seulement ils n’avaient rien à espérer en quittant l’Union européenne, mais que leur volonté de recouvrer leur souveraineté allait les conduire tout droit à la misère.

En pensant qu’il suffisait de menacer les Britanniques pour les faire fléchir et les amener à changer d’avis, les responsables politiques européens opposés au Brexit on fait montre  d’un manque de culture historique coupable.

Les campagnes de dénigrement du Brexit n’ont eu pour seul effet que de renforcer la détermination des brexiters. 

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Du divorce à l’amiable sur le continent, au Brexit au couteau

Un divorce après l’autre. En pleine instance de séparation avec l’Europe, le Royaume-Uni aimerait trouver du temps pour réformer sa loi sur… le divorce. Une fois débarrassée du Brexit – un jour, peut-être –, la Chambre des communes britannique pourrait consacrer un peu de son temps parlementaire pour modifier la loi et instaurer le divorce sans faute.

En avril 2019 Le Monde titrait Le gouvernement britannique veut pouvoir divorcer à l’amiable. En Europe, en matière de divorce par consentement mutuel, le Royaume-Uni fait figure d’attardé.

Il est ainsi cocasse de voir le gouvernement Britannique réclamer  à l’Union européenne un divorce simple et rapide, alors qu’elle n’a pas encore envisagé sérieusement la possibilité de se séparer à l’amiable pour ses citoyens mal mariés.

Il est non moins cocasse d’entendre, dans la sphère politique, des responsables européens reprocher à la Grande-Bretagne de vouloir rompre « les liens quasi sacrés » qui l’unissent à l’Union européenne depuis 1973, alors que, dans leur pays respectifs, dans la sphère sociétale,  ils ont accompagné, voire précédé, l’évolution des mœurs qui a conduit à la simplification, à la banalisation, et à la dédramatisation de la rupture des liens du mariage, de la rupture des engagements matrimoniaux.

Bizarrement, c’est au moment où le principe de l’indissolubilité du mariage tend à disparaitre dans la plupart des pays d’Europe, que les commissaires européens prônent une sorte de principe d‘indissolubilité de l’Union européenne.

L’idée qu’un pays membre veuille quitter l’Union européenne semblait tellement incongrue aux membres fondateurs qu’ils n’ont pas considéré urgent de prévoir les modalités d’une éventuelle séparation.

Il a fallu attendre 16 ans, le traité de Lisbonne (2009),  pour qu’une clause prévoit que «tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union» (article 50 du traité sur l’Union européenne).

Cette clause n’a été ouvertement invoquée qu’une fois avant le Brexit, en 2012, au plus fort de la crise grecque: sortir de l’euro étant pratiquement impossible d’un point de vue légal, la seule option réaliste offerte à Athènes était de quitter l’UE grâce à l’article 50.

Jusqu’en juin 2016, tous les peuples qui avaient évoqué la possibilité de quitter, qui l’euro, qui l’Union européenne, ont été prestement et brutalement ramenés à la raison et ramenés dans le rang.

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L’amour ne meurt jamais de mort naturelle

À la veille du vote du Brexit, les dirigeants européens étaient, certes, contrariés par la tournure que prenait la campagne électorale outre Manche, mais ils n’étaient pas vraiment inquiets, sûrs de pouvoir, comme à chaque fois, imposer leurs vues.

Lorsque le vendredi 24 juin au matin les résultats du vote ne furent plus contestables, les plus hauts responsables européens, tel Jean-Claude JUNCKER, ne purent s’empêcher de laisser bruyamment éclater leur colère et montrer leur dépit. La violence de leurs paroles montra à quel point  ils étaient désemparés, combien ils se sentaient soudain devenus impuissants.

Visiblement ignorants de tout ce que les bons conseillers conjugaux enseignent depuis des années, essayant de se remettre de leurs premières émotions,  les dirigeants européens ont cru judicieux de proférer des menaces et promettre l’enfer aux électeurs britanniques pour les faire revenir sur leur décision.

Tous ceux qui, comme Jean-Claude JUNCKER ont pensé et déclaré  :  « mais après tout ce n’était pas non plus une grande relation amoureuse« , ont prouvé, avec une rare inélégance, qu’ils savaient aussi peu des ressorts de l’amour humain que des ressorts de l’amour de la patrie.

Comment pouvaient-ils avoir la faiblesse et la naïveté de croire, qu’ils réussiraient à retenir leur bien aimée, en s’exprimant comme tous les maris bafoués et abandonnés ?

Quand un homme tient à expliquer à la femme qui le quitte qu’elle va beaucoup y perdre, il fait preuve à son égard de grossièreté, car il insulte alors son intelligence et la mémoire de leur amour.

On ne sait pas combien de femmes ne quittent pas leur mari par peur d’y perdre, en revanche on connait le nombre de celles qui le font  avec l’espoir et la certitude d’y gagner.

En cas de séparation, il ne faut jamais oublier qu’un divorce comme un mariage cela se fait à deux. Il ne sert rien de s’attarder sur l’infidélité de son partenaire, en revanche il est crucial de chercher à savoir pourquoi le bonheur et l’amour ont disparu.

L’amour ne meurt jamais de mort naturelle, il meurt  lorsque les promesses qui l’ont fait  naître ne sont plus jamais tenues.

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L’Union européenne, une promesse trahie ?

5 mai 2016, dépêche de l’agence France Presse :
 « L’Europe est une promesse, mais une promesse qui n’a pas été tenue« , a déclaré Martin. SCHULZ lors d’un débat sur l’avenir de l’Europe organisée à Rome en présence du président de la Commission européenne Jean-Claude JUNCKER, du président du Conseil européen Donald TUSK et du président du Conseil italien Matteo RENZI.

En février 2020, à la lecture de cette dépêche de l’AFP, on a du mal à comprendre pourquoi, en juin 2016,  les principaux commissaires de l’Union européennes ont paru si surpris du vote pro-Brexit, alors que moins de 2 mois avant ils avaient parfaitement diagnostiqué et analysé le mal qui ronge le corps électoral européen, le mal qui a conduit à ce « vote sacrilège ».    

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Parler la même langue  mais penser différemment

Depuis 2004, l’Institut de coopération avec l’Europe Orientale œuvre pour promouvoir le principe du trilinguisme dans l’Union européenne, mais un trilinguisme évolué et souple qui permette, quand il le faut, de valoriser chacune des langues de l’Union, au lieu de les mépriser (voir article J° 001 3 sur ce site), car ses responsables ont pu vérifier, après de longues années de coopération internationale, que le monolinguisme était un poison mortel, qui laisse croire à ceux qui parlent la même langue, qu’ils pensent la même chose.

En 1957, dans l’Europe des (Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg et Pays-Bas)  les germanophones et les francophones représentaient chacun  environ 30 % de la population.

Dès 1973, dans l’Europe des (Allemagne, Belgique, Danemark, France, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas et Royaume-Uni)  les anglophones ont formé le groupe linguistique le plus important, près du tiers de la population, les  germanophones et les francophones ne représentant plus chacun qu’un peu moins du quart de la population.

À partir de cette date,  l’anglais s’est très rapidement imposé comme principale langue d’usage dans l’Union européenne. Après 2004,  après le plus important élargissement faisant passer l’Europe de 15 à 25 membres, l’anglais est devenu si omnipotent, que les fédéralistes européens ont pu croire que l’heure d’un État fédéral européen, avec une monnaie et une langue, était advenue.

Certains Français pensaient naïvement que l’Europe unie était l’occasion de faire une France en grand. Dans le cadre de l’Europe carolingienne, l’Europe des 6, avant la réunification de l’Allemagne, ce « rêve » n’était pas totalement illusoire. Dans l’Europe des 28, ce sont les Britanniques qui pouvaient sérieusement reprendre le rêve de grandeur à leur compte. Dans presque tous les domaines les avantages comparatifs étaient au bénéfice du Royaume-Uni.

Comment expliquer dès lors que les Anglais aient voulu claquer la porte à Bruxelles et à Strasbourg ?

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Comment expliquer finallement le départ des Anglais ?

Membre de la Communauté économique européenne, la France espérait avoir le pouvoir et elle l’a dit, membre de l’Union européenne, l’Allemagne n’a rien dit, mais elle l’a pris.

Dans toute l’Europe, et plus particulièrement en France, de nombreux politiques sont convaincus de cet état de fait, mais rares sont ceux qui osent le dire, à l’exception de Jean-Luc MÉLENCHON qui a écrit en 2015 un livre sur le sujet : Le Hareng de Bismarck (Le poison allemand).

Bien sûr les Allemands s’offusquent de cette vision des choses. C’est vrai qu’ils n’ont pas volé le pouvoir, ils ont eu juste à se baisser pour le ramasser.  Car ils ne peuvent nier que depuis la chute du Mur de Berlin, ils sont les grands gagnants des élargissements de l’Union européenne, et de la politique monétaire de la zone euro.  Pour l’Allemagne le pouvoir n’ est pas un don du ciel, c’est un don de l’économie et de la géographie. 

Après la crise financière de 2008, après la crise de la dette publique en Grèce qui a débuté en 2009, après la crise migratoire de 2015, les votes qualifiés de populistes ont considérablement augmenté dans pratiquement tous les pays d’Europe, quels que soient leurs performances économiques et sociales.

Les autorités de Bruxelles ne cessent se lamenter de cette évolution, comme si elles n’avaient aucune responsabilité dans cette progression. Mais enfin, le vote populiste et nationaliste ne tombe pas du ciel !

Les Anglais « du peuple » ne se sont pas levés contre la tyrannie du pouvoir national, dont la démocratie britannique les a préservé depuis des siècles, mais contre l’impuissance d’un pouvoir européen, qui à leur yeux, s’est montré incapable de les protéger, de préserver les quelques actifs qui leur restent, et plus encore,  incapable de respecter leur dignité.

Tous ceux qui critiquent l’Union européenne, telle qu’elle va, sont accusés de vouloir détruire le rêve européen. Mais les électeurs populistes qui critiquent dans les urnes leurs dirigeants ne le font pas sans raison. Le vote populiste ne reste inexplicable que pour ceux qui ne veulent toujours pas voir que, hors des métropoles, le rêve européen a trop souvent tourné au cauchemar, dans de très nombreuses régions.

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Moins riches, mais mieux seuls que mal accompagnés

Enfin, pour gouverner il y a l’art et la manière. Pour ce qui est de l’art, on est obligé de constater que les responsables européens ne sont pas de grands artistes.  Mais c’est surtout la manière qui est à l’origine du profond malaise européen, cause du Brexit.

C’est certainement la façon dont l’Union européenne est dirigée depuis Bruxelles qui a été le ressort principal du vote pour le Brexit. La gouvernance par les nombres, c’est-à-dire les critères chiffrés qui encadrent, depuis le traité de Maastricht, la gestion des pays membres, ajoutée aux nombreux et divers diktats de la Banque centrale, de la Commission de Bruxelles, de la Cour de justice européenne, ne sont pour rien dans le départ des Anglais.

Il est plus que probable que le divorce entre l’Union européenne et le Royaume Uni, surtout s’il ne se fait pas à l’amiable, sera douloureux économiquement pour ceux qui s’en vont,et pour ceux qui restent.

C’est insulter l’intelligence des Anglais que de prétendre qu’ils n’ont voté pour le leave que par inconscience des risques économiques et sociaux encourus. Comment penser que les Britanniques, surtout les plus modestes, ceux qui ont le plus voté pour le Brexit,  ne savent rien du coût social et économique exorbitant d’un divorce.

Après plus de trois ans de réflexion, après avoir été longuement avertis, les électeurs du Royaume-Uni ont tranché, le message que, en particulier, les Anglais ont envoyé à l’Union européenne par leurs votes est limpide :  Certes moins riches, mais mieux seuls que mal accompagnés.

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Mieux vaut un petit chez soi qu’un grand chez les autres

À la sortie de la Seconde Guerre mondiale, l’idée s’est imposée que, pour mettre un terme définitif aux guerres fratricides qui ensanglantent et ruinent l’Europe depuis des siècles, il n’y avait qu’une solution qui vaille, politiquement et militairement,  obliger l’Allemagne et la France à ne plus vivre en rivales face à face, mais cote à cote en partenaires d’une union, plus grande qu’elles deux ensemble. L’objectif premier n’était pas de créer une grande puissance, mais de garantir une paix durable.

C’est fondée sur cette base principale, que l’Europe unie s’est aggrandie jusqu’à la chute du Mur de Berlin. Avant cette date, face au péril soviétique, il était impensable pour les Allemands de s’affranchir de la tutelle militaire et politique des États-Unis, il était donc impossible pour les Européens de penser l’Europe en construction comme une future grande puissance autonome, et encore moins indépendante.

Jusqu’au 26 juin 2016, aucun habitant d’un des 28 États membres n’imaginait qu’un pays serait assez « fou » pour vouloir vraiment quitter  l’Union européenne, alors que tant de pays en Europe attendent avec impatience leur adhésion.  Économiquement, personne ne pouvait croire qu’un gouvernement prendrait le risque de perdre le libre accès au plus grand marché du monde, alors que tant d’entreprises cherchent à toute fin à faire des économies d’échelles, en y ayant accès.

Après la dislocation du bloc soviétique, et après la réunification de l’Allemagne, l’Europe de Bruxelles a changé de nom, changé rapidement de taille, mais elle a surtout changé de nature et modifié ses prétentions.

Ces évolutions ont bien sûr été saluées par les gagnants de la mondialisation, chauds partisans de la construction européenne. Par contre elles ont  provoqué de tels bouleversements économiques, sociaux, et culturels, que de plus en plus d’Européens se sont montrés réservés, voire hostiles, à la construction d’une Union européenne, pour laquelle ils avaient chaque année un peu moins d’empathie.

Depuis le Brexit au Royaume-Uni, et plus encore depuis la crise des gilets jaunes en France,  les sociologues ont parfaitement saisi les principaux ressorts des votes populistes, liés à l’insécurité culturelle, au sentiment d’abandon, au manque de protection, et aux brûlantes et lancinantes blessures d’amour propre.

Le 8 juin 2018, dans un entretien de Figarolive, Hubert VÉDRINE avait parfaitement diagnostiqué le mal qui ronge la démocratie en Europe : « Le populisme n’est pas un virus affreux venu de l’extérieur et qui s’attaque à un corps sain. Le problème est avant tout intérieur pour nos démocraties. Le degré de populisme mesure l’échec des politiques mises en œuvre par les élites».

Malheureusement, la plupart des responsables politiques européens, sourds et aveugles, continuent à vouloir poursuivre dans la même voie. Ils font même  aux électeurs populistes, qui refusent de les suivre dans leur rêve de grande Europe puissance, le procès de vouloir détruire l’Union européenne.

Cette accusation est le plus souvent injustifié, les populistes ne veulent rien détruire, ils ne craignent pas les bâtisseurs, ils veulent juste qu’on les aide à ne pas mourir, ils veulent simplement  éviter que le monde qui est le leur ne se défasse.

Pour les U Europhiles, il n’y a pas d’avenir pour les peuples qui veulent vivre en dehors de l’Union européenne, car seule l’union donne la force qui permet de continuer à exister.

Pour  les U Eurosceptiques,  pour continuer à exister mieux vaut un petit chez soi qu’un grand chez les autres.

Après 42 mois de débat à la Chambre descommunes, les Britanniques ont été invités à trancher, et ils ont tranché.

La démocratie britannique, qui est la plus vieille démocratie du monde, démocratie d’un pays qui n’a jamais connu la dictature, a envoyé au parlement 365 représentants du parti conservateur favorables au Brexit.

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Dans le quatrième de couverture de L’alerte démocratique, le dernier livre qu’il vient de publier le 5 février 2020, Nicolas BAVEREZ, historien et économiste, qui s’inquiète de la montée en Europe des votes populistes, écrit :

 » L’histoire du xxe siècle nous rappelle que la démocratie est fragile.[…] Les nations libres doivent reprendre en mains leur destin.  […] Le seul antidote efficace à la crise de la démocratie, c’est la liberté politique !  […]

 

Est-ce au Royaume-Uni que la démocratie est le plus en danger ?

“Ce n’est pas le Parlement qui doit régner; c’est le peuple qui doit régner à travers le Parlement.”  W. CHURCHILL

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[Le 10 février 2020, 10 H35, J. M., Collioure] : Let them go !

[Le 10 février 2020, 00 H35, J-M. R., Alet-les-Bains] : Sur l’élargissement (sans fin ?) : Les Allemands l’ont voulu et en ont tiré bénéfice, certes, mais le Royaume-Uni (et derrière, les États-Unis) l’ont aussi poussé en avant pour des raisons différentes que, plus l’Europe s’élargirait, plus elle s’affaiblirait politiquement car elle serait de moins en moins capable de définir des politiques extérieures communes et serait paralysée, ce que l’on constate à longueur d’années : l’UE est un nain diplomatique. Et la promotion de l’Europe des régions avait un but complémentaire, cette fois pour la technostructure bruxelloise : effacer les États nations pour les remplacer par une multitude de régions autonomes permettrait mieux à Bruxelles d’imposer ses vues sur les politiques internes selon le principe du « diviser pour régner« . C’est tout cela qui a aussi contribué à la montée des prétendus populismes.

Et une remarque générale sur les effets du Brexit : sur le long terme, les Anglais n’ont jamais perdu une guerre depuis la conquête normande, et contre nous, au final, ils ont toujours gagné, hélas ! Contre les nazis, ils ont gagné, heureusement, quitte à nous faire quelques vachardises. Contre l’Europe, on peut parier qu’ils gagneront aussi.