N° 483 Pourquoi la Pologne a-t-elle peur de l’euro ?
Selon le dernier sondage publié début avril 2024, près de 70 % des Polonais ne souhaiteraient pas que leur pays rejoigne la zone euro.
Le 20 novembre 2012, le président Bronislaw KOMOROWSKI avait déclaré à l’agence Reuters que la Pologne était en train de mettre au point un calendrier pour adopter l’euro et que le pays serait prêt pour une entrée dans la zone euro en 2015.
En mai 2018, le correspondant du journal Le Monde à Varsovie écrivait :
« En Pologne, la monnaie unique inspire la frilosité, voire l’animosité, aussi bien dans la population que dans la classe politique. Selon une étude d’opinion parue en janvier, 60 % des sondés seraient contre l’adoption de l’euro, contre 21 % d’avis favorables. Et la proportion de sceptiques n’a cessé de croître, ces huit dernières années. »
En 2019, dans la Revue Internationale des Économistes de langue française, Witold ORLOWSKI, membre de l’Académie des Finances et des Affaires de la Vistule de Varsovie, tentait de répondre à la question : Pourquoi la Pologne a-t’elle peur de l’euro ?
Selon le sondage publié début avril 2024, près de 70 % des Polonais ne souhaitaient toujours pas que leur pays rejoigne la zone euro.
La zone euro a été créée le 1er janvier 1999 par 11 pays : les 6 pays fondateurs de la Communauté européenne, auxquels se sont joints l’Autriche, l’Espagne, la Finlande, l’Irlande, et le Portugal.
Depuis cette date la zone s’est élargie à 9 nouveaux pays.
Élargissements successifs de la zone euro, passée de 8 pays en 1999 à 20 en 2023
Les 20 pays membres, et les 7 pays hors, de la zone euro en 2023
Seuls 7 des 27 pays de l’Union européenne demeurent aujourd’hui hors de la zone euro. Le Danemark et la Suède le sont en raison du choix qu’ils ont fait en 1999. La Bulgarie et la Roumanie ne répondent pas encore aux critères exigés pour faire partie de la zone euro. Les raisons pour lesquelles la Hongrie, la Pologne et la République tchèque restent à l’extérieur de la zone euro, apparaissent désormais de moins en moins obscures.
Si ces 3 pays n’ont pas rejoint la zone euro, ce n’est parce qu’ils n’ont pas pu encore le faire, mais parce qu’ils ont, à l’évidence, de moins en moins le désir et la volonté de le faire.
Les dirigeants de ces 3 pays se sont bien sûr souvent montrés extrêmement critiques vis-à-vis de la politique conduite par la Commission européenne, mais jamais ils n’ont remis en question l’adhésion de leur pays à l’Union européenne.
Paradoxalement, c’est pour la Pologne, celui des 3 pays où la confiance en l’Europe est la plus élevée, que l’éventualité de son entrée dans la zone euro est aujourd’hui la plus improbable.
En France, 34 % des sondés seulement déclarent avoir confiance en l’Union européenne et 53 % déclarent ne pas avoir confiance. 13 % ne peuvent pas se prononcer. De tous les Européens, les Français sont ceux qui ont le moins confiance en l’Union européenne.
En République tchèque, 42 % des sondés déclarent avoir confiance en l’Union européenne et 50 % déclarent ne pas avoir confiance. En Hongrie, 55 % des sondés déclarent avoir confiance en l’Union européenne et 41 % déclarent ne pas avoir confiance. En Pologne , 64 % des sondés déclarent avoir confiance en l’Union européenne et 28 % déclarent ne pas avoir confiance.
L’opposition de plus des deux-tiers des Polonais à une éventuelle entrée de leur pays dans la zone euro ne dépend pas de l’affiliation politique, puisque les électeurs de l’opposition nationaliste, du parti Droit et justice (PiS), et ceux des partis pro-UE de l’actuelle coalition gouvernementale dirigée par Donald TUSK partagent tous une même opinion négative à l’égard de la zone euro.
Le zloty polonais ayant un statut constitutionnel, l’introduction de l’euro nécessite une réforme de la Constitution. Pour être adoptée, la réforme de la Constitution doit recueillir plus des deux-tiers des votes.
Ce qui signifie qu’un changement de la constitution permettant le passage du zloty à l’euro est aujourd’hui totalement impensable.
De nombreux économistes pensent que l’adhésion à la zone euro pourraient apporter des avantages économiques et politiques significatifs à la Pologne, mais de nombreux spécialistes de la monnaie partagent les craintes de la population générale, qu’ils considèrent comme fondées.
La plupart des économistes, opposés à l’abandon du zloty, craignent les dysfonctionnements constatés dans certains pays appartenant à la zone euro, mais sans l’avouer explicitement, ils craignent surtout que la Pologne n’abandonne sa souveraineté monétaire au moment précis où l’euro rentrerait dans la crise mortelle que de nombreux spécialistes, issus de tous les pays d’Europe et aux États-Unis, annoncent de façon récurrente, depuis la création de la monnaie commune de l’Union européenne.
Vincent BROUSSEAU, a effectué l’essentiel de sa carrière à la BCE à Francfort, de septembre 1998 jusqu’au 1er janvier 2014. À la Direction économique de la Banque Centrale Européenne durant plus de 15 ans, il a été le premier à attirer l’attention sur le problème des déséquilibres « Target ».
De 2014 à 2021, année de sa mort il n’a eu de cesse de dénoncer l’impasse monétaire dans laquelle, pour lui, l’Union européenne s’était engagée.
Le 23 avril 2024, le [Cercle Aristote – Pierre Yves Rougeyron] a mis en ligne sur youtube une vidéo dans laquelle Jean-Baptiste VILLEMUR présente le livre qu’il vient d’éditer pour rendre hommage à Vincent BROUSSEAU à travers un résumé de ses travaux.
Les Polonais qui auraient l’opportunité de regarder cette vidéo, intitulée La France dans le piège de l’euro, ne pourraient qu’être plus convaincus que jamais que la Pologne doit à tout prix éviter le piège de l’euro.
[Le 3 mai 2024, 0 H45, J-M. M., Rodez] : L’Italie doit plus 200 milliards d’euros à la seule Allemagne. La France ne doit que 50 milliards aux autres pays de l’Union. Si les Allemands ne peuvent plus, ou ne veulent plus, financé la croissance molle européenne, qu’est-ce-qui vase passer ? Il faut absolument écouter la vidéo du Cercle Aristote. C’est simple et clair. Il ne faut pas confondre monnaie commune et monnaie unique.
[Le 2 mai 2024, 22 H55, J-M. R., Alet-les-Bains] : L’€uro facilite certes la vie au voyageur pour passer d’un pays à un autre sans avoir à changer de monnaie. Mais du point de vue des économies et des souverainetés nationales, peut-être bien qu’ils ont raison les Polonais de refuser l’euro : ils constatent les difficultés économiques des pays du Sud de l’Europe, en position de faiblesse du fait que l’€uro a été ajusté sur le mark pour lever les réticences de l’Allemagne qui, elle, du coup, se trouve dans une position de force au sein de la zone euro. Ne pas entrer dans la zone €uro, c’est protéger la souveraineté nationale insidieusement menacée par les pressions fédéralistes actuelles qui seront la mort de nos pays si elles aboutissent;
[Le 2 mai 2024, 20 H45, Y. L., Bergerac] : Selon une étude d’un institut allemand, les recouvrements du compte TARGET de la banque centrale allemande sont passés de 5 milliards d’euros en 2006 à 323 milliards en mars 2011, et à plus de 500 milliards en 2024. Ce qui signifie que les Allemands prêtent des milliards d’euros à 26 pays de l’UE pour qu’ils puissent acheter leurs produits.