N° 508 Hommage d’ICEO à la famille qui a créé et géré l’hôtel des Touristes de 1929 à 2006

Cette maison a une histoire et une âme. Né de la volonté et du travail d’un muletier, l’hôtel des Touristes, qui a ouvert ici ses portes en 1929 et ne les a fermées qu’en 2006, fut un haut lieu de la Résistance et de l’hospitalité.

L’hôtel des Touristes fut indéniablement un haut lieu de la Résistance dans les Pyrénées Orientales. Les hôteliers s’engagèrent dans les Forces Françaises Combattantes dès le 1er octobre 1941.

De nombreux adultes et enfants juifs, de nombreux évadés, et de nombreux combattants, leur ont dû leur salut. De nombreux documents sont parvenus à Londres en passant par leurs mains.

Catherine GALSOMIAS-POULIQUEN, « Cathy« , la fille ainée de la famille, mit toute sa force de caractère, son courage et son intelligence au service du réseau « Jean de Vienne », rattaché au réseau. « Alibi ».

Dès 1947, son engagement sans faille lui valut l’attribution, exceptionnelle pour une femme, de la Croix de Guerre avec étoile d’argent (citation à l’ordre de la division).

Après la Libération, la famille s’agrandit, et l’hôtel aussi.

C’est à l’instant précis où elle quittait l’hôtel, arrêtée avec son père et sa sœur par la Gestapo, que Catherine GALSOMIAS vit, pour la première fois Jacques POULIQUEN, celui qui allait devenir son mari, le père de ses deux filles, celui qui allait lui inspirer le grand projet de sa vie, et lui transmettre la force et les moyens de le réaliser.

Il y a ici de petites erreurs, « Cathy » a été internée 35 jours, son père 21 jours et sa sœur arrêtée 5 jours.

Jacques POULIQUEN est mort en 1957 loin de l’hôtel des Touristes, à Landivisiau, auprès de sa mère, veuve depuis 1940, alors que ses filles n’avaient que 12 ans et 10 ans. C’est pourquoi, en 2024, près de soixante dix ans après sa mort, l’histoire du temps qu’il a passé à Prats-de-Mollo-la-Preste reste si mystérieuse, même pour ceux qui l’ont connu de son vivant.

Cependant, grâce au travail d’un jeune doctorant d’histoire qui a longuement interrogé la veuve de Jacques POULIQUEN en 2001, on peut émettre des supputations tout à fait crédibles, et très probablement proches de la réalité.   

Avec tous les éléments rassemblés dans le document intitulé De Catherine GALSOMIAS à Jacques POULIQUEN, rédigé en 2013, il y a de très bonnes raisons de penser que Jacques POULIQUEN, ingénieur des Eaux et Fôrets, et son collègue navigateur aérien, furent envoyés à Prats comme agents de renseignement de la Marine française, et non pas simplement, pour Jacques POULIQUEN, en tant que technicien forestier, rattaché aux travaux ruraux créés par le commandant Paul PAILLOLE, comme il réussit à le faire accroire, jusqu’à sa future épouse.

Selon les enregistrements des auditions effectués par François di MARCO (le jeune doctorant), on sait que Jacques POULIQUEN, a rencontré sa femme pour la première fois le mardi 27 juillet 1943 vers 18 heures.

L’hôtel des Touristes avait été construit à l’entrée du village, 100 mètres avant la gare du petit train qui reliait Arles-sur-Tech à Prats de Mollo jusqu’en 1937, immédiatement remplacé par une ligne d’autobus. Le premier arrêt à Prats était alors juste en face de l’hôtel des Touristes. On peut donc imaginer que Jacques POULIQUEN et le collègue qui l’accompagnait, venaient juste d’arriver au village,et cherchaient des chambres, au moment où Cathy , son père et sa sœur été emmenés en détention.

On sait aussi que l’hôtel des Touristes a été réquisitionné par les Allemands au cours du mois de septembre, quelques jours après le retour de Cathy à l’hôtel, obligeant Jacques POULIQUEN et son collègue à loger ailleurs.

Les Allemands n’ont quitté l’hôtel que le19 août 1944.  Après la Libération, Jacques POULIQUEN, en tant qu’officier de réserve, a dû effectuer un séjour en Allemagne. Et l’on sait d’autre part, que « bon fils », même après son mariage, Jacques  a souvent laissé sa femme et ses filles seules pour aller retrouver sa mère à Landivisiau. On peut  donc calculer que du 27 juillet 1943 au 19 août 1944, il n’a vécu que quelques jours sous le même toit que sa future femme, et que de la Libération de Prats à sa mort à Landivisiau, il  fut de plus en plus absent de son foyer familial.

Paradoxalement, bien que bien peu présent à Prats aux côtés de sa femme, Jacques POULIQUEN joua un rôle essentiel dans la vie de la famille. C’est lui qui réussit à mettre dans la tête de sa femme l’idée qu’il fallait construire un nouvel hôtel. À la mort de son mari, pour honorer sa mémoire, avec la rage de celle qui a été trop longtemps humiliée, elle sut convaincre à son tour sa sœur, Josette, et son mari , Pierre, qu’ils devaient et qu’ils pouvaient le faire. Ils le firent ainsi tous les trois.

L’hôtel des Touristes ouvert en 1929, fermé en 2006

La carte de présentation de l’hôtel telle qu’elle était imprimée jusqu’à sa fermeture

Au centre de la photo, sous le fort, l’ancien hôtel (18 chambres) construit en 1929

En 1969, l’hôtel s’agrandit juste en face de l’ancien, avec un total de 48 chambres

Le grand salon dans le nouvel hôtel

La grande salle à manger dans le nouvel hôtel

Les dirigeants de l’hôtel des Touristes.

Josette MAURY-GALSOMIAS et Cathy  POULIQUEN-GALSOMIAS

Pierre MAURY

Marie-Louise

L’hôtel fut leur vie, et leur vie fit l’hôtel

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Lorsque la jeune Catherine, à peine âgée de 17 ans, dormit pour la première fois dans la maison que ses parents venait de faire bâtir pour y créer un hôtel, elle n’imaginait certainement pas que cette hôtel serait  toute sa vie.

En effet, elle ne s’en éloignera plus de dix jours que trois fois, une première fois en juillet 1943, lorsqu’elle resta interné 35 jours à la prison de Perpignan, à la suite de son arrestation par la Gestapo, une deuxième fois en décembre 1976, lorsqu’elle fit enfin la croisière dont elle avait longtemps rêvé, et enfin une dernière fois en 2006, lorsqu’elle le quitta, après sa fermeture définitive, pour aller finir le reste de ses jours à Perpignan, au coté de sa sœur Josette, de sa fille Marie-Louise, et de son gendre Xavier.

Née en 1912 à Prats-de-Mollo, Catherine GALSOMIAS  épouse POULIQUEN est morte en janvier 2012 à Perpignan, neuf mois avant sa sœur Josette épouse MAURY, née en 1922, décédée en octobre 2012, dix ans après son mari Pierre MAURY,  mort lui aussi à Perpignan en 2002.

Pourquoi un hommage particulier d’ICEO à la famille qui a géré cet hôtel.

Les responsables d’ICEO ont certainement des défauts, mais il en est un dont ils veulent absolument se prémunir : l’ingratitude.

L’Institut de Coopération avec l’Europe Orientale (ICEO) a été créé le vendredi 15 décembre 1989 autour des rares personnes, qui avaient pu et su nouer, dans les Pays de l’Europe Centrale et Orientale,, avant la chute du Mur de Berlin, des liens étroits, professionnels et amicaux avec certains de leurs homologues.L’objectif était de regrouper le maximum de bonnes volontés, d’expériences, et de compétences, afin de pouvoir éclairer et aider  au mieux tous ceux qui se lançaient dans une folle ruée vers l ‘Est de façon aussi irréfléchie que chaotique.

Le fait que le procès verbal de déclaration de l’assemblée constitutive d’ICEO a été signé à la Faculté de Pharmacie de Montpellier, dans le bureau de Jean CASTEL, professeur de Chimie Thérapeutique, responsable du service des relations internationales de l’Université Montpellier 1 (Droit, Médecine et Pharmacie), n’est bien sûr pas lié au hasard.

Lorsqu’en octobre 1972, fraîchement émoulu de l’Académie de Médecine de Cracovie,  Zyygmunt RYZNERSKI, hanta pour la première fois les murs du laboratoire, dénommé encore alors laboratoire de Pharmacie chimique, ni lui, ni ceux qui l’accueillirent le plus volontiers, n’imaginaient que leur rencontre marquerait à terme tout le reste de leur vie. En pleine Guerre froide, en octroyant à un jeune Polonais une bourse postdoctorale de 9 mois à Montpellier, le Ministère des Affaires étrangères français a offert l’occasion à deux chercheurs de la Faculté de Pharmacie de Montpellier de nouer des liens, qui s’avéreront indéfectibles,  avec un homologue venu du froid.

Zygmunt eu la chance de rencontrer durant son séjour en France, des Français accueillants, heureux de pouvoir lui faire découvrir combien leur pays était aimable, et combien ils l’aimaient. Zygmunt s’efforça de faire rapidement en Pologne pour eux, ce qu’ils firent pour lui en France.

En avril 1973, durant les vacances de Pâques, Zygmunt eut la chance de pouvoir bénéficier, premier d’une longue série, pour une première fois, de l’hospitalité des propriétaires de l’hôtel des Touristes.

Le protocole de coopération entre l’Académie de Médecine de Cracovie et l’Université Montpellier 1, signé à Cracovie le 10 octobre 1986, permit de renforcer et de développer les liens scientifiques entre la France et la Pologne, et joua un rôle essentiel dans la création d’ICEO, trois ans plus tard.

Les historiens soulignent combien les succès diplomatiques de TALLEYRAND doivent à son cuisinier, Marie-Antoine CARÊME.

De même, on se doit d’insister sur le rôle joué par l’hôtel des Touristes dans le développement et la longévité, d’ICEO et de la coopération scientifique internationale de l’Université de Montpellier, notamment avec l’Université Jagellonne.

Les responsables d’ICEO ont ainsi l’obligation morale de rendre hommage aux dirigeants de l’hôtel des Touristes, pour avoir offert leur hospitalité, pendant plus de 30 ans, à tant de correspondants d’ICEO étrangers lors de leurs venues en France.

1973

Zygmunt RYZNERSKI (Cracovie) le jour de ses adieux au Labo de Chimie thérapeutique, qui l’a accueilli 9 mois

1988

En mai, Zygmunt de retour à Prats, avec Zophia, le vice-recteur Alfred ZEJC et le doyen Jerzy POREBSKI

1989

Kazimierz LIGARSKI  (Académie de Médecine de Cracovie) invité à Prats à la mi février pour la fête de l’ours

1991

Kazimierz LIGARSKI et Gueneta VARBANOVA (psychiatre à Sofia) invités à Prats en octobre

1992

Barbara MALAWSKA (Cracovie) et Jolanta OBNISKA (Cracovie) accueillis à l’hôtel début janvier

1993

Névéna DOBREVA (Sofia) et Maciej PAWLOWSKI (Cracovie) accueillis à l’hôtel début janvier

1995

Jacek JUREK et ZYGMUNT RYZNERSKI  (Lotna brigada – la brigade volante)

le duo sans lequel ICEO n’aurait probablement jamais pu œuvrer si efficacement et si durablement en Pologne.

Zygmunt de 1973 à 1998 et Jacek de 1998 à 2002, de nombreuses fois accueillis par l’hôtel des Touristes

1997

 ZYGMUNT, PIERRE, JEAN ensemble en juin à Cracovie une énième fois

Trois amis qui ne se sont jamais retrouvés ensemble à Prats-de-Mollo.

Pourquoi ? Mystère ? 

1998

Zygmunt et Zophia RYZNERSCY  de retour à Prats, venus en voiture, pour le mariage d’Anne, avec Jacek JUREK

Lotna brigada – La brigade volante réunie à Prats

2001

Retour de Jacek JUREK accompagné d’un ami de Cracovie de nouveau à Prats en septembre

2002

 En juin, obsèques de Pierre MAURY à Perpignan

2002

Cathy et Josette répondent à François di MARCO une nouvelle fois en septembre

2002

Anna MACURA-BIEGUN (Collegium Medicum de Cracovie) accueillie à l’hôtel début octobre

2003

Maria MALAWSKA, la fille de Barbara (Cracovie), accueillie à son tour en octobre à l’hôtel

2012

Enterrement de Catherine GALSOMIAS-POULIQUEN le 9 janvier à Prats-de-Mollo

Décès de Josette GALSOMIAS-MAURY le 10 octobre à Perpignan

ICEO, associé à l’hommage rendu à Catherine GALSOMIAS-POULIQUEN

Avec l’aimable autorisation des nouveaux propriétaires de la maison, après avoir averti le maire de Prats-de-Mollo, qui s’en est chaudement félicité, les membres de la famille de Catherine GALSOMIAS-POULIQUEN ont prévu d’inaugurer, si possible au début du mois de janvier 2025, une plaque sur la façade de l’ancien hôtel où « Cathy » a passé 80 ans de sa vie. Le Bureau d’ICEO a d’ores et déjà donné son accord de principe pour participer aux frais d’organisation de cette cérémonie, ne doutant pas que le Conseil d’Administration ne manquerait pas d’entériner cette décision.  Sans surprise il y a eu approbation unanime des membres du CA d’ICEO – lors de la consultation effectuée par internet du 11 au 16 décembre 2024

La maison où fut créé l’hôtel des Touristes

La plaque devrait être fixée sur cette partie droite de la façade, à 2 mètres cinquante du sol

La plaque telle que le marbrier s’est engagé à la graver

On peut lire ci-dessous le dossier adressé à Yad Vashem (enrichi)

Pour lire l’article ci-dessus, cliquer sur l’image

[Le 5 décembre 2024, 10 H00, P. C., Notre-Dame de la Rouvière] : Merci « Cathy », merci pour tout ce que vous avez fait généreusement pour ICEO.  Merci Josette, merci Pierre et Merci Marie-Louise.