N° 209 Courrier express : de la boîte aux lettres à la boîte à ordure !

Avant l’apparition d’internet, l’estime et le respect que les usagers avaient pour « leur » facteur, n’avait d’égal que la conscience professionnelle de ceux qui considéraient comme un devoir sacré de leur porter le courrier.

Autre temps, autres mœurs !

En août 1914, le facteur était un fonctionnaire appartenant au puissant ministère des PTT. Il était reconnu des Français (41 millions) puisque depuis 1864, sa tournée était quotidienne dans les campagnes, et même pluri-quotidienne dans les grandes villes. Près de 35 000 d’entre-eux sillonnaient le pays, balisé par 15 000 bureaux de postes et 84 000 boîtes aux lettres.

En 2011 la France (65 millions d’habitants) comptait toujours 16 135 bureaux de poste.

En avril 2020, la France (67 millions d’habitants) ne compte plus que 7 700 bureaux en propre. Pour pallier cette diminution, des agences postales communales ont été mises en place par certaines mairies en zone campagnarde et des relais-Poste assurés par des commerçants : en tout 9 300.

Les usages des Français ont beaucoup changé, tandis que l’organisation du travail des 73 000 facteurs, et le service qu’ils rendent aux usagers, non seulement ne se sont pas améliorés, mais, dans de nombreux territoires, se sont notablement dégradés.

La pratique du “fini – parti” qui prévoit  qu’un facteur a terminé sa journée une fois sa tournée terminée, n’a fait qu’aggraver la situation.

L’embauche importante de personnels vacataires et intérimaires, n’a rien fait pour arranger les choses. On retrouve la logique qui a prévalu du temps de l’Union soviétique. À un État auquel ils reprochent de faire semblant de les payer, certains facteurs répondent en faisant semblant de travailler.

Pour écourter leur tournée, certains, dont on ne sait s’ils étaient titulaires, remplaçants, vacataires ou intérimaires, sont allés jusqu’à tenter de détruire le courrier qui leur était confié.

Ces cas extrêmes, qui peuvent avoir des conséquences dramatiques pour tous ceux qui n’ont pas reçu la lettre qu’ils espéraient, ou qui n’ont pas pu connaître dans les délais l’injonction qui leur était faite, semblent malheureusement s’être banalisés, notamment dans le département de l’Essonne.

On ne sait si c’est Le Parisien qui s’acharne à noircir la réputation de facteurs de l’Essonne, ou si ce sont des facteurs de l’Essonne qui font tout pour noircir leur image.

À l’occasion de la période exceptionnelle qu’ils viennent de traverser, les Français ont pu apprécier l’importance économique et sociale des facteurs, et la noblesse de ce métier, quand il est exercé avec conscience professionnelle.

Honneurs aux smicards essentiels

Dès le 18 mars, soit le lendemain de l’entrée en vigueur du confinement, le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno LE MAIRE, a appelé les salariés des « secteurs essentiels » à se rendre sur leurs lieux de travail pour garantir la « sécurité économique du pays ».

Quels étaient, pour ce représentant de l’État, ces secteurs essentiels ?

Si on fait la liste de tous les métiers implicitement cités, on trouve : les agriculteurs, les ouvriers ou ouvrières des grands groupes industriels de l’agroalimentaire, les transporteurs (routiers) et les livreurs, les employés des supermarchés dont les fameuses caissières, les petits commerçants et, il ne faut  oublier ni les éboueurs, ni les facteurs.

Immédiatement apparaît à l’esprit un point commun à tous ces métiers : Au Smic ou très peu au dessus,

les métiers les plus essentiels à la vie du pays sont souvent les plus mal payés.

Cette crise pourrait donc être l’occasion de prendre en considération l’importance sociale des différentes professions. Comment la définir ? Rien de plus simple : pour savoir si un métier est essentiel ou non, il suffit d’imaginer les conséquences sociétales de sa disparition. Aujourd’hui, l’enseignement est clair : les métiers essentiels sont ceux qui nous permettent de continuer à vivre. Parallèlement, les titulaires des métiers les mieux payés nous apparaissent parfois bien inutiles et leurs rémunérations exorbitantes.

 À l’issue de cette crise, il faudra donc réétudier la « hiérarchie » sociale des métiers, en accord avec nos valeurs et relativement à leur utilité réelle ?

Mais un métier n’est essentiel que s’il est exercé avec conscience professionnelle

Il y a  bien sûr des tire-au-flanc et des gens malhonnêtes, mais, dans leur majorité, ceux qui travaillent s’efforcent de le faire au mieux.

Cependant le manque de reconnaissance fait disparaitre peu à peu, la motivation, l’investissement et la conscience professionnelle dans le travail. C’est une spirale infernale. Faute d’autonomie, de moyens, de reconnaissance, les salariés perdent l’envie de bien faire. Ou de faire tout court. A cause d’un manager défaillant, d’une organisation du travail imparfaite, d’objectifs inatteignables ou contraires à ses propres valeurs, ils en viennent à baisser les bras, et décident de faire le strict minimum. Cela entraîne une perte d’estime de soi, et surtout la disparition du plaisir de travailler.

Une grande majorité de salariés gardent malgré tout une conscience professionnelle parce qu’elle est un gage d’épanouissement. Mais cette conscience s’étiole lorsqu’il y a perte de sens, perte de direction ou l’absence de retours positifs. La possibilité de faire un travail dans les règles de l’art est malmenée à cause d’organisations à la recherche de rentabilité financière à court terme.

La conscience professionnelle est alors vidée de sa substance. 

Et il n’y a d’essentiel que le travail bien fait

Le sentiment du travail bien fait tient une place très importante parmi les éléments de satisfaction ou d’insatisfaction dans la vie professionnelle. Malheureusement, la notion de fierté au travail est bien mise à mal dans une société où seule reste prise en compte, de plus en plus, la performance financière.

Le travail bien fait est un facteur de satisfaction personnelle, de reconnaissance, d’estime de soi, de motivation et d’engagement, mais il est aussi, souvent surtout, un signe de gratitude que celui qui travaille, avec application, adresse à ses semblables. Une façon de leur dire merci, pour ce qu’ils font, et pour ce qu’ils ont fait pour lui.

Travailler n’est pas qu’une question d’argent. C’est aussi et surtout une nécessité pour l’équilibre humain, réaliser une belle pièce, faire de la belle ouvrage, pouvoir être fier de ce que l’on a fait, se sentir compétent et utile, c’est ce à quoi aspirent les artistes et les artisans.

Ne plus pouvoir faire un travail de qualité, est vécu comme une indignité personnelle.

Fort heureusement, depuis des semaines, dans la crise sanitaire que la France traverse, nombre de femmes et d’hommes, de toutes professions, ont eu à cœur de donner le meilleur d’eux-mêmes, en se mettant au service d’une noble cause, sauver des vies et sauver le pays.

Pour sortir de la crise actuelle, la France ne doit compter que sur l’excellence

Pour se redresser le pays doit absolument regarder vers les étoiles, libérer toutes ses énergies et reconstruire, ce qui a constitué pendant des siècles sa principale richesse, un système éducatif exigeant et performant, capable de former les élites dont il a besoin, et capable d’apporter au peuple français cohésion et sentiment de commune appartenance.

La France doit tout faire pour sortir de sa torpeur, ouvrir les yeux, et accepter enfin de voir la réalité en face.

La situation est grave, mais pas désespérée, sous réserve que les Français fassent l’effort de remettre en route une école où l’on apprend à lire, écrire, et compter, à tous ceux qui le veulent, et à tous ceux qui le peuvent.

Tous ceux qui ont envoyé sans scrupule des générations de bacheliers perdre deux ans à l’université, ne seront pas d’accord avec cette proposition, qu’ils jugeront rétrograde.

Lorsqu’on posait à Confucius la question: quelle est la première qualité d’un gouvernant? Il répondait : Bien connaître le sens des mots.

Les « élites » françaises ont malheureusement oublié que : L’excellence de la langue d’usage n’est pas une simple exigence esthétique, c’est une exigence essentielle.

Lorsqu’on demande à ceux qui ont réussi en affaires, quelle est la première qualité qu’il leur a fallu avoir ? La réponse fuse :  calculer vite et bien. Sans calculette ? bien sûr !

Depuis plus d’une semaine, confondant allègrement,  distanciation physique, distanciation sociale, voire distanciation spatiale, les ministres français, et leurs porte-paroles montrent qu’ils n’attachent guère d’importance au sens des mots.

Depuis 2009, les responsables politiques français s’écharpent pour des questions d’achat de masques.

On sait aujourd’hui en effet que, pour fournir le noyau dur des soignants seulement, il fallait prévoir un minimum de 15 millions de masques PAR JOUR. Ce qui signifie que, ni le ministre, ni les journalistes n’ont su faire la règle de trois qui leur aurait indiqué que 86 millions était un nombre ridicule, pour faire face à une pandémie bien partie pour durer plus de 6 jours.
Depuis que le calcul mental a disparu, la plupart des Français ont malheureusement perdu la capacité d’estimer de tête les quantités et les rapports.

Rigueur, discipline, cohérence, cohésion, imagination, et courage

Voici les qualités indispensables dont doivent faire preuve promptement les Français, s’ils veulent recouvrer rapidement leur ancienne puissance économique, ou pour le moins s’ils veulent éviter de se retrouver déclassés par rapport à leurs concurrents anciens, et plus encore par rapport aux nouveaux apparus avec la crise pandémique.

Inquiets pour leur avenir, les facteurs n’ont d’autre choix que d’en faire preuve aussi.

[Le 9 mai 2020, 21 H00, C. P., Bayonne] :  On a tendance à idéaliser aujourd’hui les facteurs que l’on a connu quand on était jeunes. Affables, souriants, serviables, toujours prêts à boire un verre. La réalité était moins rose, on peut lire ainsi que dès 1915, il y avait des problèmes : 150 000 à 200 000 colis échangés chaque jour pendant l’année 1915, soit 75 millions de paquets en un an. Les réformes commencent à porter leurs fruits : les plaintes journalières pour pertes de correspondances ou vols de valeurs passent de 1200 à 500 par jour. La Poste pendant la Grande Guerre

[Le 8 mai 2020, 12 H00, A. B., Niort] :  À le bon temps de la marine à voile !