N°380 Pour sauver le suffrage universel, vers un service citoyen obligatoire de 6 ans

Service militaire obligatoire : 66% des Français souhaitent son retour. En attendant que leurs vœux soient exaucés, faisant preuve de cohérence, les Français devraient facilement souscrire à cette proposition simple.

 

À quelques jours des élections présidentielles les observateurs politiques, se fiant aux sondages sur les intentions de vote, craignent que les taux d’abstention n’atteignent encore de tristes records.

Lors des élections municipales de 2020, dans certaines villes, moins de 25% des électeurs inscrits sont allé voter.

Le taux de participation définitif au premier tour des élections régionales 2021 (France entière) n’a été que de 33,28%. En 2015, le taux de participation définitif pour le 1er tour des élections régionales était encore de 49,91%.

Cette chute de près de 17%, en 5 ans, pour la même consultation électorale, ne laisse pas d’inquiéter le landerneau politique.

À raison, car si d’aventure pareil phénomène se reproduisait, si la participation aux élections présidentielles passait de 78% à 61%, la légitimité du futur élu pourrait en être sérieusement contestée.  Le record d’abstention de 2002 serait battu de 10 points. On peut imaginer les mauvaises surprises et leurs conséquences. Voir : Proportion d’inscrits sur les listes électorales ayant voté aux élections présidentielles en France entre 1965 et 2017, selon le tour.

Participation aux élections présidentielles de 2022 : 1er tour 71,99% – 2ème tour 73,69%

Le désintérêt croissant des électeurs Français pour l’acte électoral ne peut que croître si rien n’est fait pour inverser la tendance. De plus en plus d’électeurs inscrits déclarent ne pas vouloir voter parce qu’ils ne se sentent pas concernés, ou parce qu’ils ne se sentent pas français, ou plus grave encore parce qu’ils ne veulent surtout pas le devenir.

Tous ceux qui plaident pour la restauration du service militaire en France prêtent, au passage imposé sous les drapeaux, la vertu de favoriser la cohésion nationale. Cette vertu a effectivement existé sous la IIIe et la IVe Républiques, mais la première levée en masse ne se fit pas sans problèmes, les Vendéens notamment en gardent un triste souvenir.

Aujourd’hui, les militaires, qui sont certainement ceux qui connaissent le mieux la population française dans ses profondeurs, sont les plus opposés au rétablissement d’un service militaire universel, car ils jugent, quel que soit le format de mise en place retenu, qu’ils ne peuvent en aucun en assurer la mise en place, et encore moins en assumer la responsabilité dans le long terme.

Pour encadrer toute une classe d’âge, filles et garçons, de plus de 780 000 jeunes, il faudrait des moyens en personnel et en structure d’accueil, que la France ne peut, et n’a probablement jamais pu, réunir.

Pour les mêmes raisons, la proposition d’un service civil universel, est aussi peu envisageable.

Appeler, appeler à la création d’un nouveau service national, alors qu’il est impossible à installer, est non seulement stérile mais nuisible, car cela accrédite l’idée qu’il n’y a pas d’autre solution pour recouvrer la cohésion nationale. C’est oublier le rôle essentiel que l’école a joué, et qu’elle n’arrive plus à jouer.

En 2013, ICEO avait adressé au ministère de l’Éducation national un rapport, fruit d’un long et riche travail de réflexion collectif, intitulé : L’École, l’école, et encore l’école [2013.06.24] Il ressortait de cette analyse que ce n’est pas en augmentant les moyens d’un système qui ne marche pas que l’on obtient un système qui marche.

Mais, alors qu’en 1997, le ministre Claude ALLÈGRE avait déclaré qu’il fallait absolument « dégraisser le mammouth », le budget de l’éducation nationale a augmenté de 6.8 milliards de 2013 à 2017 passant de 63,4 à 70,2 milliards soit +10.7%. De 2018 à 2022, le budget est passé de 71,6 à 78,1 milliards soit +6.5 milliards et +9%.

Il ne faut donc pas trop compter sur l’École, telle qu’elle est, pour répondre dans l’urgence au grave problème de cohésion nationale que vit la France aujourd’hui.

Sans l’École des hussards noirs de la République, et sans le service national de nos aïeux, où la France peut-elle encore apprendre à faire nation ?

Certains naïfs ont crû à la vertu du football. Il a suffi d’un match contre l’Algérie pour que leur rêve vire au cauchemar.

Plus sérieusement pour faire nation il faut apprendre à le faire, et le vouloir. Ernest RENAN nous éclaire : « Ce qui constitue une nation, ce n’est pas de parler la même langue, ou d’appartenir à un groupe ethnographique commun, c’est d’avoir fait ensemble de grandes choses dans le passé et de vouloir en faire encore dans l’avenir. »

Aujourd’hui, la plupart de ceux qui ont la nationalité française ne se sont donné pour l’avoir que la peine de naître, et rien de plus. Cette nationalité donne à ceux qui l’ont de naissance, et à ceux qui l’ont acquise pour l’avoir demandée, le privilège, toujours rare dans le monde, de choisir par qui ils veulent être gouvernés.

Le suffrage universel, comme l’opéra, pour pouvoir l’apprécier, pour en goûter toute la beauté, il faut apprendre à en connaître la partition, et le plus tôt est le mieux.

Pour espérer que les jeunes nés en France ne déclarent plus, comme ils semblent de plus en plus nombreux à le faire, « je ne suis pas français et je ne veux surtout pas l’être », pour espérer qu’ils changent d’avis, il faut leur faire goûter à la fierté de se savoir acteurs et non plus simple spectateurs.

La présidence MACRON, a eu certainement des défauts, mais elle a eu le grand mérite de rappeler aux Français tout l’intérêt qu’a la discipline collective, et le rôle essentiel de la coercition pour espérer arriver à vivre tous ensemble en société.

Avec la pandémie, les Français ont vite réappris le sens des mots obligation et obligatoire. Bien sûr, ils n’avaient pas oublié que l’école était obligatoire jusqu’à 16 ans, mais après cet âge, ils ne connaissaient plus guère d’obligation.

Depuis le 17 mars 2021, santé oblige, nos gouvernants ont imposé une avalanche d’obligations : confinements obligatoires, port du masque obligatoire, pass sanitaire obligatoire, pass vaccinal obligatoire. Pour sauver leur vie, plus de 80% des Français ont approuvé toutes ces obligations sans aucun problème, certains trouvant même que monsieur VÉRAN était trop tolérant.

Nul doute donc, que pour sauver leur démocratie, les Français soutiendront une nouvelle obligation, peu contraignante, surtout s’ils s’avéraient favorables au rétablissement d’un service militaire obligatoire.

Aujourd’hui

En 1997, la suspension du service militaire obligatoire, entraina la fin de ce l’on continuait à appeler rituellement le conseil de révision et les 3 jours. La journée d’appel fut alors instituée, dénommée Journée d’appel de préparation à la défense (JAPD), jusqu’en 2011, puis Journée défense et citoyenneté (JDC).

Journée défense et citoyenneté (JDC)

La journée défense et citoyenneté (JDC) est une journée d’information sur les institutions françaises, les droits et les devoirs du citoyen.

La JDC fait suite au recensement citoyen (parfois appelé par erreur recensement militaire) des jeunes Français.

Tous doivent y participer avant d’avoir 18 ans (ou avant 25 ans dans certains cas).  La date et le lieu de la JDC sont indiqués dans l’ordre de convocation que les jeunes reçoivent. S’ils vivent à l’étranger, la JDC peut y avoir lieu.

Service civique

Le Haut-commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté et à la Jeunesse de 2007 à mars 2010, Martin HIRSCH, président d’Emmaüs France de 2002 à 2007, a créé par la loi de 10 mars 2010, le service civique, auquel il a donné pour objectif principal le renforcement de la cohésion nationale. Le service civique doit aussi permettre de favoriser la mixité sociale et d’offrir la possibilité aux jeunes de 16 à 25 ans de s’engager pour une durée de 6 à 12 mois dans une mission d’intérêt général.

En décembre 2016, il restait 4 fois plus de candidats que de missions disponibles. Le service civique n’offrait toujours aux jeunes que 120 000 places pour 480 000 demandes. Lors de ses vœux, le 31 décembre, le président François HOLLANDE annonça qu’en 2018 le service civique devrait répondre à 350 000 demandes, et qu’en 2020 il espérait pouvoir répondre à toutes les demandes.

En donnant le nombre de demandes qui devaient être satisfaites en 2018 le président a précisé que cela représentait la moitié d’une classe d’âge. Il aurait dû préciser que c’était équivalent à la moitié d’une classe d’âge. Car, par définition, une classe d’âge correspond au nombre de jeunes étant nés la même année. Le total du nombre de jeunes qui assistent aux Journées défense et citoyenneté (JDC) chaque année depuis la création du service civique varie peu, il est de l’ordre 780 000.

Ce qui signifie que, au moment (2016) où François HOLLANDE parlait, la somme des jeunes (de 16 à 25 ans) qui pouvaient demander une mission de service civique était de près 7 millions (9 x 0,78). En 2018, seuls 5% de ceux qui pouvaient postuler pouvaient donc espérer voir leur demande satisfaite.

En touchant si peu de jeunes le service civique ne peut pas, à l’évidence, apporter beaucoup à la cohésion nationale. D’autant moins que les jeunes qui auraient le plus à apprendre grâce au service civique, sont ceux qui se sentent les moins concernés, et ceux qui sont les moins demandeurs.

Inscription électorale

Depuis 1997, les commissions administratives ont l’obligation d’inscrire automatiquement sur la liste électorale de la commune de leur domicile tous les jeunes nés en France lorsqu’ils ont atteint l’âge de dix-huit ans.

Demain

Nous proposons que, dès qu’ils ont l’âge de voter, TOUS les jeunes Français soient astreints à un service citoyen universel obligatoire s’étalant sur 6 ans.

Service citoyen universel obligatoire

D’élection en élection, on déplore le nombre croissant d’électeurs inscrits qui ne participent pas au scrutin électoral. Cette tendance mortifère pour la démocratie représentative, doit être enrayée d’urgence, sous peine de grave dévalorisation du suffrage universel.

Lors des dernières élections (régionales 2021), on a constaté que 79% des 1834 ans s’étaient abstenus au second tour.

Il ne faudrait pas refaire, pour la participation aux élections, l’erreur faite pour la vaccination, pour laquelle il aurait été judicieux de concentrer ses efforts sur les populations fragiles à risque, avant de vouloir vacciner des adolescents en bonne santé.

Avant d’envisager de rendre obligatoire le vote pour tous les électeurs, c’est donc la tranche d’âge des 1834 ans qu’il faut d’abord sensibiliser aux dangers de l’abstention.

De nombreux jeunes, notamment ceux issus de familles dans lesquelles le suffrage universel n’a jamais été sacralisé, n’ont qu’une bien trop faible conscience de l’importance de leur vote, pour faire, seuls, l’effort d’aller voter.

Dans la société telle qu’elle est aujourd’hui, espérer convaincre facilement tous les jeunes adultes de faire « leur devoir électoral », sans qu’ils y soient contraints, est totalement illusoire.

À la fin du XIXe siècle, à une époque où le respect de l’autorité n’avait rien de commun avec ce qu’il est aujourd’hui, la République, dans sa grande sagesse, a décrété l’école et le service national (pour les hommes), obligatoires.

En 2022, l’école est obligatoire de 3 ans à 16 ans, soit pendant 13 ans. Au XXe siècle des millions de Français ont effectué un service militaire d’une durée minimum d’un an, souvent beaucoup plus, jusqu’à 3 ans.

On a longtemps considéré que, les soldats qui faisaient la guerre payaient « l’impôt du sang » et qu’en faisant leur service militaire les jeunes hommes payaient « l’impôt du temps ». En matière « fiscale », les tranches d’âge correspondant aux poilus ont été les plus lourdement imposées, pour le temps, pour les larmes, et pour le sang.

Au regard de ce qu’ont payé nos anciens, qualifier d’impôt le service citoyen universel obligatoire de 6 ans que nous proposons d’instituer, est indécent, tant la « charge fiscale apparait légère.

Pourquoi 6 ans

Tous les 5 ans les électeurs sont invités à voter pour les élections, présidentielles, législatives et européennes.

Tous les 6 ans les électeurs sont invités à voter pour les élections, régionales, départementales et municipales.

Donc en France, aujourd’hui, il faut 6 ans à un électeur pour qu’il puisse participer à tous les modes de scrutins.

Les élections européennes sont les seules à se dérouler sur un seul tour. Les 5 autres se déroulent sur 2 tours, quelquefois un seul tour suffit. En 6 ans, sauf mort d’un élu en court de mandat, les électeurs sont donc convoqués pour aller voter au maximum 11 dimanches.

Pour éviter les malentendus et les craintes infondées, il faudrait probablement, si notre proposition est retenue, l’appeler : service citoyen universel obligatoire de 11 dimanches, et non de 6 ans.

Pourquoi universel et obligatoire

On ne peut créer, pour sauvegarder le suffrage universel, qu’un service citoyen lui-même universel. Universel signifie que tout citoyen a le droit de faire, obligatoire signifie que tout citoyen a le devoir de faire.

Pour contraindre tous les Français à obéir à leurs injonctions, les dirigeants français ont su démontrer pendant 2 ans qu’ils savaient rapidement trouver comment faire. Il y a peu de doute qu’ils sauront trouver aussi vite les moyens pour obliger les jeunes en âge de voter à remplir leur devoir électoral, s’ils en ont vraiment le désir et la volonté.

Les parents découvrent, souvent trop tard, que ce n’est pas en laissant leurs enfants faire leurs quatre volonté qu’ils les aident le mieux pour affronter les aléas de la vie. Les enseignants savent que pour qu’un élève découvre le plaisir de lire, il faut l’obliger à apprendre.

Pour avoir le bonheur de pouvoir jouer du piano, il faut commencer à apprendre à en faire.

Pour acquérir la conscience d’être citoyen, il faut prendre l’habitude d’aller voter., et plus tôt est le mieux, comme pour jouer du piano.

Pour tous ceux qui savent sur quelle liste électorale ils sont inscrits, pour tous ceux qui savent où se trouve le bureau de vote où ils doivent voter, le vote est un exercice d’une grande simplicité. Il leur suffit de mettre leur réveil à sonner suffisamment tôt pour ne pas arriver après la fermeture du bureau, et d’avoir envie d’aller voter.

Parmi les abstentionnistes, nombreux sont ceux qui ne savent pas s’ils sont bien inscrits, qui ne savent pas où ils sont inscrits, et qui savent encore moins où est le bureau où ils doivent voter.

Les automobilistes ne recherchent et ne découvrent souvent le garage dont ils ont besoin pour le contrôle technique de leur véhicule que la première fois où ils y vont. De même, il est probable que beaucoup de jeunes âgés de 18 ans, ne chercheront et ne trouveront le bureau de vote où ils devront aller voter que la première fois où ils s’y rendront.

Reste une objection, qui ne manquera pas d’être soulevée. Qu’en est-il de ceux qui sont malades, ou qui se trouveraient très loin du bureau où ils sont inscrits, le jour précis du scrutin ?

Toutes les règles qui étaient appliquées pour répondre à ces situations, lorsque le service militaire existait, pourraient être transcrites à l’identique. À ceci près, qui n’est pas mince, que l’appelé sous les drapeaux devait se présenter physiquement à la caserne et y rester pour faire son temps, souvent plus d’un an.

Et bien sûr, la loi que nous proposons peut être facilement aménagée pour permettre de répondre à son objet sans en trahir l’esprit.

Reste à trouver un député pour déposer la loi

[Le 2 avril 2022, 19 H15, L. W., Alet-les-Bains] : Et pourquoi pas l’alternative d’un camp de scouts d’une semaine par paquets de 20 ?… Au moins, ça aiderait à remettre aussi à l’honneur les valeurs du scoutisme, qui sont à la fois civiques et morales avec appel à la cohésion du groupe et réalisation d’un objectif concret : 1 encadreur militaire + 3 encadreurs scouts. Ma fille fait ça à La Réunion avec des groupes d’ados.

[Le 2 avril 2022, 18 H30, L. W., Valleraugue] :  Ça c’est une bonne idée !

[Le 2 avril 2022, 18 H20, A. C., Castelnau-le-Lez] : Bonjour,  Il faut effectivement prendre ce problème d’abstention à bras le corps, et finalement ne plus parler de droit de vote mais de devoir de voter. Il faudrait probablement reformuler approximativement ainsi: « service citoyen obligatoire sur 6 ans d’élections’. Bien à vous: