N° 028 Instrumentalisation de l’antisémitisme et de l’antiracisme ?

Le racisme et l’antisémitisme sont à l’origine des plus grands crimes de l’Histoire. L’extermination des Juifs d’Europe durant la Seconde Guerre mondiale représente la plus singulière horreur commise par des hommes contre d’autres hommes. C’est pourquoi l’antisémitisme ne doit être ni instrumentalisé, ni méconnu.  

ICEO sait qu’on accuse l’Est de l’Europe  de compter de nombreux antisémites. Mais il sait aussi que, depuis 1972 (attentat de Munich), c’est à l’Ouest de l’Europe qu’ont été commis la quasi totalité des attentats et des assassinats antisémites.  

Dimanche 17 février après-midi, Agnès BUZYN, la ministre des Solidarités et de la Santé, a vivement critiqué le fait que le leader de la France insoumise « ne condamne pas » les insultes antisémites proférées la veille, dans rue, à la face du philosophe et académicien Alain FINKIELKRAUT, par de supposés « islamo-gauchistes » porteurs de gilets jaunes.

Le soir même sur son compte Twitter, M. MÉLENCHON a répondu : « Conscient de l’instrumentalisation de l’antisémitisme, je crois aussi qu’il ne faut jamais laisser passer le racisme ». Autour de FINKIELKRAUT, il y avait aussi des Gilets Jaunes qui voulaient le défendre et s’opposer à l’attaque. Je suis avec eux ».

Lundi, le ton est monté d’un cran. De nouveau sur twitter, le président du groupe La France insoumise à l’Assemblée nationale a porté de nouvelles accusations: «  la lutte contre l’antisémitisme [du gouvernement] n’est pas sincère. Juste un prétexte politicien pour régler des comptes, créer une diversion, profiter du mal. … L’accusation d’antisémitisme contre la France Insoumise est ignoble. En quoi cela sert-il la lutte contre l’antisémitisme? Ce dévoiement politicien est irresponsable ».

Mardi matin, alors que la polémique sur l’instrumentalisation de l’antisémitisme « de gauche » continuait à enfler, on apprit que dans la nuit, dans le cimetière juif de Quatzenheim, un village alsacien de 800 habitants situé à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Strasbourg, une centaine de sépultures avaient été profanées, très probablement par des néo-nazis alsaciens, ou des provocateurs voulant se faire passer pour tels.

Dès mercredi, l’indignation antiraciste pouvait ainsi reprendre sans difficulté son schéma de pensée traditionnel : l’antisémitisme ressort de la droite par essence, la lutte contre l’antisémitisme est donc l’apanage de la gauche.

Cette affirmation a été martelée tant et tant depuis la Libération, que pour la plupart des Français, évoquer un antisémitisme de gauche passe toujours facilement aujourd’hui pour une incongruité. Le Parti communiste français, la SFIO, les Radicaux ont réussi à gommer les pages les plus noires de leur histoire, en s’attribuant l’essentiel des mérites de la Résistance. Oublié le soutien des communistes au pacte germano-soviétique, oublié le vote des pleins pouvoirs constituants à Philippe Pétain  par un grand nombre de socialistes et de radicaux, et surtout totalement oublié l’antisémitisme lié à la gauche en général et au Parti communiste français en particulier.

Malgré la multiplication de faits et d’injures antisémites attribuables avec certitude à ce qu’on appelle la sphère islamo-gauchiste, l’existence d’un antisémitisme spécifiquement de gauche reste couramment contestée.

Les dirigeants politiques qui s’ingénient à assimiler, par aveuglement, par naïveté, par lâcheté, ou par un calcul politicien dérisoire, l’antisémitisme qui tue en France aujourd’hui, à l’antisémitisme des années 30, commettent une faute très grave.

Au XIXe et au XXe siècles, à coté de l’antisémitisme de droite à connotation religieuse, il y a eu un antisémitisme de gauche de nature sociale et politique. Thierry WOLTON le rappelle dans l’article publié dans Le Figaro, le 19 février 2019.

TRIBUNE – Il existe un antisémitisme de gauche, née au XIXe siècle et qui puise dans l’anti-capitalisme, explique l’essayiste, spécialiste du communisme*. Aujourd’hui, l’antisémitisme de gauche ne désigne plus le Juif comme tel, mais le qualifie de sioniste, ajoute l’auteur.

Que certaines personnalités se réclamant de la gauche et de l’extrême gauche minimisent la portée des insultes antisémites proférées contre Alain FINKIELKRAUT, lors de la manifestation de samedi à Paris, ne saurait étonner. Dans l’inconscient progressiste, le Juif a longtemps représenté le ploutocrate que la lutte des classes devait se charger d’éliminer.

L’antisémitisme d’extrême gauche est beaucoup moins évoqué que l’antisémitisme d’extrême droite (ce qui ne diminue naturellement en rien la gravité de ce dernier). Or, initialement, la gauche fut à l’avant-garde de la propagation du mal, car elle a embouché la première les canons d’un nouvel antisémitisme né avec la révolution industrielle du XIXe. La haine moderne du Juif s’est développée partout en Europe avec le triomphe du capitalisme. Cet antisémitisme s’alimente à la fois aux sources du ressentiment (la réussite sociale prêtée aux Juifs) et des exclusives nationalistes, par réaction au cosmopolitisme supposé des israélites, comme on disait alors. Le Juif finit par incarner le «pur» bourgeois, celui à qui profite le développement du capitalisme mais qui serait coupé de ses racines nationales, une sorte de capitaliste apatride.

Contempteur de ce mode de production, [alors qu’il était lui-même d’origine juive ashkénaze], Karl MARX stigmatise le Juif. «Quel est le fond profane du judaïsme? demande-t-il dans La Question juive (1843).Le besoin pratique, l’utilité personnelle. Quel est le culte profane du Juif? Le trafic. Quel est son dieu profane? L’argent. […] Quelle est en soi la base de la religion juive? Le besoin pratique, l’égoïsme. […] L’argent est le dieu jaloux d’Israël devant qui nul autre dieu ne doit subsister.» Dans Le Capital (1867), il estime que «toutes les marchandises sont de l’argent pour les Juifs intérieurement circoncis». Dans sa correspondance avec son ami ENGELS, MARX use de mots tels que «petit-juif»,«youpin», «négro-juif».  La propagande nazie ne s’est pas privée d’utiliser des citations de l’auteur du Capital pour justifier l’antisémitisme du pouvoir hitlérien.

D’autres penseurs révolutionnaires du XIXe n’ont pas été en reste. Pour l’anarchiste Proudhon, le Juif est un «entremetteur», un «parasite» qui «opère, en affaires comme en philosophie, par la fabrication, le maquignonnage». BAKOUNINE, un des pères de l’anarchisme, voit dans les Juifs «une secte exploitante, un peuple sangsue, un unique parasite dévorant».

Au XXe siècle, le communisme au pouvoir étatise l’antisémitisme. La mention «Juif» était inscrite sur les passeports soviétiques. À la libération d’Auschwitz par l’Armée rouge, en février 1945, Moscou n’a pas parlé de camp de la mort, obligeant les Alliés à forcer la main à STALINE pour savoir ce que les troupes soviétiques avaient découvert sur place. La mémoire communiste de la Seconde Guerre mondiale, pour sa part, a privilégié la dimension patriotique, le combattant héroïque et le résistant plutôt que le déporté victime.

[Le 24 février 2019, 16 H15, JM R, Béziers] : Le « très probablement » est une interprétation. En effet, il est possible que ce soient des néo-nazis qui ont fait ça, mais ça peut aussi être n’importe qui, des islamo-fascistes, des anti-juifs ou des provocateurs de tous bords ou encore de simples abrutis de tous bords également et même d’aucun bord, la croix gammée pouvant être utilisée par n’importe qui et même par un simple d’esprit. Rappelons-nous l’affaire du cimetière de Carpentras.  Il y a un effet de mimétisme qui fait souvent que, lorsque la presse rapporte un fait scandaleux, divers abrutis s’en emparent pour le reproduire à leur tour dans le simple but de se dire « c’est moi qui l’ai fait et la presse va en parler » .

[Le 24 février 2019, 9 H30, JY H, Caussade] : Instrumentalisez, instrumentalisez, il en restera toujours quelque chose !