N° 183 Coronavirus : « il n’y a plus un seul pèlerin » sur le chemin de Compostelle en Espagne.

Article de Céline HOYEAU, La Croix le 24 mars 2020 (extrait)

Les 5 000 pèlerins du monde entier qui s’étaient élancés en Espagne vers Saint-Jacques-de-Compostelle ont dû être rapatriés en raison des mesures de confinement dans ce pays où l’épidémie de Covid-19 a fait plus de 2 000 morts. Pour qui marche vers Saint-Jacques-de-Compostelle, les devises du célèbre chemin sont le pain quotidien. Mais depuis la mi-mars, celle lancée par la Fédération des associations des amis du Camino de Santiago est sans appel : « Pèlerin, ce n’est pas le moment. Le chemin peut attendre ».

Conques en Aveyron

Dès la publication, le 14 mars, du décret des autorités espagnoles déclarant l’état d’alerte et l’interdiction de toute sortie sur la voie publique, « y compris sur le Chemin de Saint-Jacques », hors première nécessité, tous les pèlerins ont été invités à rentrer chez eux.

La Fédération espagnole a aussitôt appelé sur son site à la « responsabilité individuelle » de chacun. Selon son calcul, près de 5 000 pèlerins ont dû renoncer à leur projet et repartir chez eux.

Auberges fermées

Certains, malgré les recommandations et la fermeture des frontières, ont malgré tout décidé de franchir les Pyrénées depuis Saint-Jean-Pied-de-Port, avant de rebrousser chemin au bout de deux ou trois étapes, faute de gîte et de couvert.

De la Navarre à la Galice, en passant par la Rioja et la Castille, toutes les auberges, qui attendaient l’ouverture de la pleine saison, ont en effet dû fermer sur le trajet. Un rude manque à gagner, alors que la fréquentation du Camino n’a cessé d’augmenter ces dernières années – 350 000 pèlerins l’an dernier. Certaines ont décidé de mettre à disposition des autorités municipales leurs locaux, au cas où la situation sanitaire s’aggraverait dans ce pays où le Covid-19 a fait déjà plus de 2 000 morts.

Hospitaliers et ambassades se sont concertés pour rapatrier ceux qui étaient plus avancés sur le chemin, dans la région de Burgos – près de 600 personnes il y a encore quinze jours. Un service provisoire a ainsi été mis en place par le complexe situé sur le Monte do Gozo, à Compostelle, pour ceux que les restrictions avaient surpris sur la route.

85 % de Coréens

Aujourd’hui, « il n’y a plus un seul pèlerin en Espagne », assure Jean-Louis ASPIROT, secrétaire général de l’Association des amis de Saint-Jacques, qui les voyait partir depuis l’Accueil des pèlerins, à Saint-Jean-Pied-de-port, jusqu’à sa fermeture il y a douze jours.

« D’habitude, poursuit-il, les mois de janvier et février sont plus calmes, nous voyons partir 10 à 12 pèlerins chaque jour pour Compostelle, mais cette année, Dieu sait pourquoi, ils étaient plutôt 15 à 20 à se mettre en route quotidiennement… Le coup d’arrêt est brutal. » Et la frustration d’autant plus grande que la plupart des pèlerins avaient parcouru des milliers de kilomètres pour se lancer dans le fameux pèlerinage : à cette saison, 85 % sont en effet des Coréens.

[Le 25 mars 2020, 20 H20, M. L., Saint-Jean-de-Pied-de-Port ] :  Triste spectacle !